Objectif Cinéma : Pourquoi
faire une comédie après un film comme "Reprise"
?
Hervé Le Roux : J'avais
envie de retravailler avec des comédiens, de revenir
à la fiction. "Reprise", c'était un
travail avec une petite équipe, et c'est aussi agréable
de travailler avec une grande équipe. De toute façon,
quoiqu'il soit advenu sur "Reprise", j'avais envie
de refaire une fiction après. Maintenant, comme en
plus il y a eu un événement et critique et public,
pour un film de sa catégorie, autour de "Reprise",
j'ai vraiment senti ce qu'on sent de manière générale
dans le cinéma français : dès que tu
fais un film, on te demande surtout de refaire le même
; on sait ce qu'on vend, quel produit, etc. Dès la
sortie de "Reprise", j'ai eu des propositions pour
faire d'autres documentaires, de travailler avec des ateliers
d'écriture dans des banlieues, etc. Je sentais très
bien qu'on essayait de me mettre dans une cage. Je ne voulais
pas exploiter le filon "Reprise", faire un film
social, avec une très forte dimension politique. Je
voulais faire un film qui se tienne mal, un film indigne.
Claire Denis a dit un truc assez joli après le mouvement
sur les sans papiers : qu'on ne nous demande pas, nous cinéastes,
d'être la conscience morale du monde, de porter toute
la conscience qu'on voudrait bien nous confier ; il serait
temps maintenant de retourner à notre indignité
de cinéaste. J'aimais bien ça.
Objectif Cinéma : En
même temps, "Reprise" était déjà
un film très personnel.
Hervé Le Roux : Oui,
bien sûr, mais c'est ce que j'aime, faire des films
qui ne font pas exprès de se ressembler. Certes les
films finissent toujours par faire sens entre eux, mais
en tout cas je ne voulais pas le faire exprès...
faire une carrière.