Entretien
réalisé le 15 mars 2001 à Paris
Par Nadia MEFLAH
Photographies de Stéphane LEGRAND
Joao Pedro Rodrigues est né
en août 1966 à Lisbonne, où il réside.
Commençant des études de biologie afin d'étudier
les oiseaux plus particulièrement ; il arrête
pour entrer à l'école de Cinéma de Lisbonne
qu'il finit en 1989. Jusqu'en 1996, il est assistant réalisateur
et monteur pour divers cinéastes portugais. En 1997,
il réalise Parabens (Happy Birthday)
un court-métrage de 15 mn couronné au Festival
de Venise, Mention spécial du Jury. Il réalise
entre 1998 et 1999 un documentaire en deux parties 2x60 mn
en vidéo Esta a e minha casa/Vigema a expo (This
is my house/Journey to expo). O fantasma est son
premier long-métrage, Grand prix du Jury film Etranger
de Belfort 2000 et sélectionné dans divers Festivals
(Compétition Officielle Venise 2000, Salonique en Grèce,
Mostra de Sao Paulo au Brésil, USA, Chine, Australie,
Allemagne, France, Espagne, Portugal)
Premier étonnement :le cinéaste me paraît
si jeune (et pourtant, trente-six ans cette année,
du signe de la Vierge), presque frêle, dans son long
corps blanc élancé, alors que son premier long-métrage
témoigne dune rigueur cinématographique en tout
point impressionnante. Je pensais rencontrer un homme d'âge
mûr ou du moins un corps massif, marqué par la
vie, car O Fantasma m'avait offert un point de vue
très fort, une cohérence de la mise en scène
où je devinais une maîtrise du regard mais aussi
un témoignage politique. Celle du corps, évidemment.
Mais Joao sait très rapidement me convaincre, à
sa voix douce, à son impeccable français où
sourd la langue maternelle, à la sombre intensité
de son doux regard, attentif, prévenant, soucieux de
ce qu'une femme pouvait lui raconter sur son film. Généreux
dans son écoute, Joao appelle le tutoiement, car raconter
un récit de film n'est-ce pas créer le temps
de la confidence intime ?
Deuxième étonnement
:Le film.
A le revoir, s'impose à moi cette secrète conviction
: Joao Rodrigues est un grand cinéaste portugais en
devenir... Ces points de suspension pour observer attentivement
un de-venir certain.
Objectif Cinéma :Tu as fait un story-bord avec des
dessins, des repérages ?
Joao Pedro Rodrigues : Je
savais déjà comment tourner tous mes plans.
Je crois que le montage doit vraiment être fait au
niveau du scénario, avant le tournage. L'écriture
est primordiale. J'ai écrit le scénario de
O Fantasma avec trois autres personnes, des amis
de l'école du cinéma (Jose Neves, Paulo Rebelo,
Alexandre Melo). Mais nous n'avons pas écrit tous
en même temps; travailler tel jour ou telle semaine
avec une personne donne ainsi une discipline de travail.
C'est un long travail de maturation. Lorsque j'arrivais
au tournage, nous étions une équipe réduite
de quinze personnes, tous ces gens attendent de toi des
indications, des paroles : où mettre la caméra,
comment éclairer... Je devais dire à chacun
ce qui devait se faire et j'avais toutes les idées
avant, même si au tournage des choses changent. Le
film aussi évolue et on le comprend mieux en le tournant.
Objectif Cinéma :Tu as eu des moments de surprises
sur le plateau ?
Joao Pedro Rodrigues :Je cherche cette surprise et ce hasard.
En filmant un plan, il y a toujours cet élément
étranger du hasard mais c'est un hasard programmé,
on filmait beaucoup de fois. J'étais très
attentif à ce phénomène, au mouvement
de l'acteur ; à un regard furtif qui m'amenait quelque
part. Nous allions dans ce sens-là du hasard, j'essayais
que tous les plans aient une tension. Non pas une tension
dans la rapidité ou la vélocité mais
dans un grand calme. Une tension physique.