NICOLAS
BONILAURI
ET CHRISTOPHE ALI " Ce sont les rats qui
nous coûtent le plus
cher en pellicule ! "
Entretien
réalisé à Paris en avril 2001
Par Philippe BEER-GABEL et Bernard PAYEN
Nicolas Bonilauri et Christophe Ali,
projectionnistes de profession, se sont rencontrés au
cinéma Jean Vigo à Gennevilliers. Ils avaient
tous deux déjà fait des petits films en vidéo
et ont a commencé à travailler ensemble sur ce
format avant de faire deux court-métrage en 16mm : El
otro Barrio (1996) et Domingo (1998). Leur moyen métrage
Le Rat fut tourné en quatre ans par petits bouts et avec
un budget microscopique.
Ce film atypique étonne par sa
cohérence esthétique, son image noir et blanc
magnifiquement âpre et sa bande-son très riche.
Rencontre avec les deux cinéastes-artisans passionnés
auteurs de ce poème sanglant.
NAISSANCE D'UN PROJET
Nicolas Bonilauri et Christophe
Ali : Au même moment pratiquement, on est
tombés sur un bouquin, Mémoire d'un rat, et
on s'est retrouvés dans une brocante devant une caméra
16 mm qui nous tendait les bras, une caméra utilisée
pour faire des documentaires dans les années 60,
un peu plus perfectionnée qu'une Bollex, qui coûte
entre 5000 et 10 000 francs. Tout est donc parti d'une envie
assez pressante de tourner. On avait fait avant des courts
métrages en vidéo et en super 8. Juste avant,
on avait fait un court métrage d'un quart d'heure
en 16mm à la fac de Paris 8. Il faut dire aussi que
Le Rat n'est pas du tout une adaptation de Mémoire
d'un rat, récit autobiographique d'un rat. Nous nous
en sommes éloignés petit à petit pour
ne garder que l'animal et inverser le principe du livre
: on raconte en fait l'histoire d'un homme qui vit comme
un rat, et non un rat qui pense comme un homme. On n'a pas
écrit du tout de scénario. On n'a bénéficié
d'aucune aide.
On a acheté cette caméra et on l'a loué
à quelqu'un qui nous a donné en échange
non pas de l'argent mais un paquet de films inversibles
: comme en super 8, il n'y a pas de négatifs, on
tourne, on développe le film, et on a un positif
qu'on peut projeter. Mais c'est un cadeau empoisonné
car après avoir tourné des images avec ça,
au bout d'une heure de rushes, on s'est aperçu que
cela coûterait une fortune de développer les
négatifs, la qualité aurait été
très mauvaise. On a alors tout jeté et tout
recommencé avec une pellicule négative. On
a donc une heure de rushes inédits pour le DVD !
Pendant cette heure de rushes, on a appris à utiliser
la caméra, on a fait pas mal d'erreurs de photos
(contre-jours, de sous-exposition, sur-exposition).