NAISSANCE
D'UN ACTEUR
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Nicolas Bonilauri et Christophe
Ali : C'est aussi pendant ce tournage que s'est
construit le personnage du vieil homme. On s'est familiarisé
davantage avec Marcel Fix, on a apprivoisé ce vieil
homme qui est un personnage étrange, difficilement
maîtrisable. C'est quelqu'un d'un peu lunaire, pas
forcément au courant de ce qui se passe autour de
lui. On a su petit à petit capter des moments de
lui qui allaient être intéressants. Marcel
Fix ne connaît pas le narcissisme du comédien
: il arrive, il se déshabille, il joue, il se rhabille,
il a du sang partout et il t'aide à transporter les
éclairages à la fin ! Le comédien parfait
!! Il est là une demi-heure avant et deux heures
après !! On l'a rencontré en 1993 ou 1994
et on avait déjà fait deux-trois courts métrages
avec lui. Quand nous est venue l'idée du film, on
ne s'est pas posé la question pour le choix du comédien
: c'était lui !! C'était parfait pour ce film
là, notamment parce que c'était muet car je
ne pense pas qu'il passera le stade du parlant !! Le tournage
avec Marcel Fix ressemblait au tournage avec le rat, quand
on attendait que ce dernier saute... On guettait les moments.
TOURNER AVEC DES RATS
Nicolas Bonilauri et Christophe
Ali : Ce sont les rats qui nous ont coûté
le plus cher en pellicule; en général, on
se prenait la tête pour faire une prise à chaque
plan, mais avec le rat, c'était quinze prises pour
trois pirouettes !! On a adopté deux rats au départ,
dont un qui se sauvait dans les canalisations, donc celui-là
on l'a oublié dès le début, et le second
est devenu très hargneux et carnivore à cause
de Nicolas qui lui donnait de la viande, du saucisson, etc.
(rires) Le rat, c'est comme un chien, il faut toujours rester
avec lui. Le premier rat était très sauvage
car on l'avait un peu mis de côté dans sa cage.
C'était alors très difficile de tourner avec
lui. Les deux autres, ça s'est mieux passé.
On les a dressé et apprivoisé, je les avais
sur mon balcon, je les sortais le soir, les mettais sur
la table. Comme c'était difficile de le faire tourner
en décors naturels, car il s'enfuyait tout le temps,
on a fait aussi des petits décors pour le rat, pour
tous ses passages dans l'appartement, quand il va dans le
trou, qu'il se cache et observe le vieux. On a remarqué
qu'il faisait le même parcours à l'intérieur
du décor, qu'il y avait une sorte de systématisme
de l'animal qui cherche un peu son chemin, alors on faisait
en sorte de placer la caméra pour qu'il arrive au
bon endroit. Mais c'était une vraie galère
!!
UN FINANCEMENT ALEATOIRE
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Nicolas Bonilauri et Christophe
Ali : On travaillait, on accumulait un peu d'argent
de poche : disons que pour vivre, on avait l'argent qu'on
gagnait en tant que projectionnistes, et on faisait à
côté des distributions de tracts : l'argent
qu'on gagnait alors, on le conservait pour le tournage.
En quatre ans, le film nous a coûté dans les
150 000 francs (uniquement pour le tournage). Quand on avait
plus d'argent, on arrêtait de tourner et on montait
séquence par séquence. On a accumulé
des petits bouts de montage, un peu comme les collections
du vieux dans le film ! Le Rat s'est construit comme ça.
Il faut dire au passage que les laboratoires ne sont pas
sympas du tout avec les petits jeunes qui commencent : les
petites ou grosses boîtes ont des super réductions,
elles arrivent en tout cas toujours à négocier
les prix et vis à vis de types comme nous que personne
ne connaît, qui essayent de s'en sortir et arrivent
au labo, ils sont alors carrément sans pitié
: c'est du plein pot !! Et tu payes à la livraison
! La prochaine fois on essaiera la Belgique : il paraît
qu'il y a un très bon labo pour le noir et blanc
là-bas !