DV OR NOT DV ?
Nicolas Bonilauri et Christophe
Ali : Pendant qu'on tournait il y a eu l'apparition
des caméras DV. Si on commençait le tournage
aujourd'hui on se poserait la question de tourner en film
ou en DV. C'est très tentant de tourner comme ça
en vidéo, pour rien. Je crois quand même que
pour Le Rat, cela faisait partie du projet de tourner en
16 mm : le contenu du film est lié au format qu'on
a utilisé, à l'aspect rétro et presque
historique de l'image : ça renvoie tout de suite
aux années 20 ou 30, c'est peut-être aussi
pour ça que le film est muet.
MUSIQUE ET SON
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Nicolas Bonilauri et Christophe
Ali : Le tournage du Rat s'est étalé
sur quatre ans. On accumulait les rushes, on filmait, on
mettait nos images en vidéo, et à partir de
là, on commençait à pré-monter
l'ensemble en essayant de trouver des morceaux musicaux.
Le jazz et les morceaux de musique classique se sont imposées
et ont été conservés par la suite.
Le jazz correspondait à tout ce qui a trait au souvenir
et au meurtre, un thème récurrent qui remplace
les dialogues de ces séquences. La musique classique
est utilisée de la même manière : Vivaldi
pour les séquences avec la mère et Chérubini
pour la fin du film. Avant de choisir Chérubini,
on avait utilisé La passion selon St-Jean de Bach
qui fonctionnait très bien sur les images de Marcel
avançant dans le champ, mais d'un coup ça
ne fonctionnait plus avec la fin du film. On se rend compte
en faisant un premier montage qu'une musique qui fonctionne
alors vraiment bien sur les séquences peut très
bien ne plus fonctionner sur un remontage d'images. Il suffit
d'étirer une séquence pour que la musique
n'aille alors plus du tout, même sur l'ensemble. C'est
très bizarre. Certaines séquences, qui étaient
montées avec la musique, fonctionnaient, et dès
qu'on regroupait l'ensemble du film, ça devenait
catastrophique. Nathalie Langlade, la monteuse, nous a pas
mal ouvert les yeux là-dessus. On s'est servi aussi
de morceaux dont on n'avait pas les droits pour le montage-maquette.
Cela marchait très bien pour certaines séquences
et cela a servi aussi de base pour le monteur son et le
musicien, comme une référence, un équivalent
du sentiment qu'on voulait donner, ils se sont aidés
des morceaux qu'on avait mis alors pour composer les leurs.
Pour nous, la musique remplace le dialogue, on voulait vraiment
thématiser les personnages et les situations pour
donner des repères au spectateur dans ce film- cauchemar
qui est un peu dur à saisir. Quand la mère
vient consoler le vieux, on retrouve à chaque fois
Vivaldi, et les morceaux de jazz qui reviennent à
chaque meurtre rappellent aussi l'enfance du personnage
avec sa mère.
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C'est un film qui s'est fait morceaux
par morceaux. Même si on ne se retrouvait pas vraiment
dans l'histoire, on souhaitait que le spectateur s'y retrouve
sensitivement. C'est vrai qu'on aime beaucoup tout ce qui
est musique répétitive, Philip Glass, Steve
Reich, etc. On retrouve la même idée dans le
film. Au cinéma, pour moi, la musique est presque
aussi importante que les dialogues. On travaille tous les
deux dans un cinéma (faut-il le rappeler ?) : si
pour une raison donnée, on coupe l'image en projection
et qu'il y a toujours le son, ça ne pose pas trop
de problèmes pendant deux-trois minutes, mais par
contre, si on coupe le son, au bout de quinze secondes des
gens sortent de la salle.