Entretien
réalisé à Cannes le 11 mai 2001
Par Nicolas CHEMIN Et Gilles LYON-CAEN
Marc Recha est né en octobre
1970, en Espagne, prés de Barcelone. Entre 1984 et 1988,
il réalise quatorze courts métrages en super 8.
Il reçoit en 1989 une bourse de la Section de Culture
du gouvernement de Catalogne, pour travailler à Paris
avec le metteur en scène Marcel Hanoun. Après
plusieurs courts métrages dont El Zelador et La Maglana
, il réalise son premier long alors qu'il n'était
âgé que de vingt et un ans, El cielo sube, film
expérimental qui remporte de nombreux prix. Depuis 1996
tourne également des films publicitaires et des documentaires
pour la télévision. Il a réalisé
en 1998 L'Arbre des cerises. Pau et son frère et son
quatrième long métrage.
Objectif Cinéma :Ce
qui frappe en tout premier lieu dans "Pau et son frère",
c'est sa forme hybride, entre naturalisme et fantastique.
D'où vient cette forme originale ?
Marc Recha : Elle
vient un peu du besoin de liberté qui m'anime sur un
tournage. J'ai besoin que la caméra soit libre et mobile
pour pouvoir filmer subitement une action qui naît dans
le contrechamp... Cela induit une équipe très
réduite. J'ai beaucoup parlé avec le chef opérateur
sur le statut de la caméra. Je préfère
qu'elle soit invisible plutôt que trop esthétique.
c'est vrai qu'elle se montre parfois comme un regard voyeur,
celui d'Alex, mais c'est plutôt rare à l'échelle
du film. Elle reste proche des personnages, dans une optique
presque tactile, physique. Cette proximité aux corps
se poursuit avec la Nature et rend palpable la minéralité
des éléments: terre, pierre, bois, racines forment
un champ lexical, un réseau de métaphores...
Ces hommes qui travaillent la pierre travaillent d'autant
plus sur eux-mêmes, sur le deuil. De la même
façon, Alex n'est pas seulement un fantôme,
mais un support métaphorique pour traiter la communication
et l'incommunicabilité. La matière organique
se transforme constamment: l'homme devient cendres, puis
terre et arbre... L'autre élément, qui était
déjà important dans L'arbre aux cerises (précédent
film de Marc Recha, NDLR), c'est l'eau: simultanément
passage du temps et minéralisation de la vie: lorsque
les cendres du défunt se dissolvent dans l'eau de
la rivière, c'est un retour aux sources, à
l'origine du monde. En mourant, Alex a vampirisé
la nature, y est retourné.