Objectif Cinéma :
J'ai une dernière question
à vous poser concernant le cinéma de Rohmer.
Qu'est-ce qui selon vous relie ce film très hétérogène
à l'ensemble de sa filmographie, que ce soit la collections
des Comédies et Proverbes, ses Contes ou ses films
en costumes, Perceval le Gallois et La marquise d'O ?
Arlette Farge : Sans
doute le formalisme des parties dialoguées, le temps
très long donné aux échanges subtils
entre l'anglaise et le duc sur l'amour, le passé,
la nostalgie, l'amitié, le futur, la crainte et la
peur. Un dialogue rohmérien situé pendant
la Révolution Française, sans la légèreté
des Contes et Proverbes. Et c'est aussi une rupture, peut-être
un aveu à la fin d'une longue carrière. Dans
les films antérieurs, il y avait aussi un déni
très grand du social et on était envoûté
par l'érotisme des échanges verbaux. Et le
social derrière avait peu d'épaisseur. Là,
il y en a une bonne couche !
Christian Jouhaud : Il
y a une certaine manière de chercher à capter
l'air du temps qui paraît très réussie
dans les films récents de Rohmer. Je ne suis pas
sûr que les mémoires de Grace Elliott étaient
une source propice à une opération comparable
de reconstitution de l'air du temps d'un temps qui n'est
plus là. Et qu'est-ce donc qui reste là ?
L'air du temps de la Révolution ou la trace d'un
radicalisme politique et idéologique jamais ouvertement
assumé et encore moins revendiqué ? Et si
c'était cela la vérité qui finalement
transpirait (elle aussi) dans le film de Rohmer : l'air
d'un temps sans respect pour la complexité du passé,
son altérité et sa proximité mêlées
?