Objectif Cinéma :
Vous filmez très près
du visage de Colm Meaney, l'acteur principal ; et le film
a lieu dans un pays aux espaces larges et très ouverts.
Comment avez-vous travaillé ce point de vue, un choix
ambigu qui crée une dissonance, un décalage
?
Goran Paskaljevic : C'est
aussi le procédé que j'ai utilisé pour
Baril de poudre : la caméra bouge doucement
et les acteurs se rapprochent tout près d'elle. Les
acteurs doivent ainsi sortir de l'écran et parvenir
au public, tout en lui transmettant leurs émotions.
Le but dans Harry était de montrer, dévoiler
les émotions humaines : en tant que spectateur, c'est
ce qui me bouleverse, je veux croire à la complexité
d'un personnage, et non à ce qui est feint, retenu
et arrêté. Toute la complexité d'Harry
est là : il est tragique, malheureux et humain. Il
vaut mieux le comprendre que le détester.
Objectif Cinéma :
Harry invente une guerre personnelle
contre l'autre ; ce qui l'aide un peu à oublier la
guerre nationale ?
Goran Paskaljevic : Vous
savez, après la Guerre Civile en Irlande, tout le
monde vivait ensemble - par contrainte. Harry relate l'histoire
d'un homme qui aime détester cet autre car celui-ci,
ou un autre, pourrait abattre son fils. C'est un film sur
la haine absolue. J'ai donc cherché à ne pas
faire une oeuvre historique, mais plutôt essayé
de faire un film philosophique. Cela évoque notamment
le profond besoin de haïr l'autre, de plus l'amour
n'a rien donné à Harry.
Objectif Cinéma :
How Harry became a tree pourrait
être transposé dans le conflit des Balkans
?
Goran Paskaljevic : Facilement,
oui. Comme Harry, Milosevic produit l'ennemi, les ennemis.
A ce propos, son texte reprend exactement quelques-unes
des expressions du tyran. C'est normal : la situation en
Serbie m'a atteint et je m'en suis inspiré bien sûr,
consciencieusement. Je ne sais pas encore quand je retournerai
travailler en Irlande : je suis tellement fasciné
par l'Italie, désormais ! Je ne sais ni comment faire,
ni si je suis capable de tourner - ou pas, ici
Peut-être
à nouveau là-bas : je suis vraiment tombé
amoureux de ces gens. J'y retournerai.
Objectif Cinéma : Vous
disiez que l'Irlande comprend votre combat personnel, et
qu'elle est fière en quelque sorte de votre exportation
Goran Paskaljevic : Oui,
j'ai aussi pris à mes côtés mon directeur
de la photo et mon assistant directeur. On a créé
un groupe : un serbe, un allemand, un français, un
portugais, entre autres
Quand on est un vrai cinéaste,
on se comprend facilement. Le monde n'est pas divisé
en nations, mais en classes. D'ailleurs, je comprends mieux
l'intellectuel albanais, par exemple, que le paysan serbe.
Nous formons une équipe cosmopolite. Comme dit Jean
Renoir, c'est ma grande illusion.
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2001 Comment
Harry est devenu un arbre
1998 Baril
de Poudre
1992
Tango argentin
1990
Le Temps des miracles
1995
Someone Else's America
1987
L'Ange gardien
1984
Mes amours de 68
1982
Twilight Time
1980
Traitement Spécial
1979
Et les jours passent
1978
Le chien qui aimait les trains
1976
Un gardien de plage en Hiver
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