Depuis dix ans, Tsai Ming-Liang filme les déambulations mélancoliques et discrètement burlesques de son acteur fétiche Lee Kan-Sheng, sujet amical d'observation. Et là-bas quelle heure est-il ?, cinquième film réalisé ensemble, poursuit en plans fixes l'exploration des solitudes urbaines tout en élargissant le champ de Taipei à Paris.

Lors de cet entretien, Tsai Min-Liang évoque la fructueuse association cinématographique qu'il forme avec Lee Kang-Sheng, en sa présence, charismatique et quasi muette.

Objectif Cinéma : Et là-bas quelle heure est-il ? est venu d'un événement autobiographique de Lee Kang-Sheng, votre comédien fétiche…

Tsai Ming-Liang : Lors du tournage de The Hole en 1997, nous avons appris le décès de son père, qui m'a rappelé le décès du mien, disparu en 1992, lors du tournage de mon premier film. Je me souviens qu'à cette époque je suis devenu très trouillard, je n'arrivais plus à dormir seul dans le noir, je n'osais même plus rester seul dans une chambre. Lorsque j'ai appris le décès du père de Kang, ces souvenirs me sont revenus en mémoire.

Objectif Cinéma : J'ai l'impression que ce dernier film est plus " serein " que les précédents…

Tsai Ming-Liang : Tous mes films sont sereins en quelque sorte, car j'observe toujours les choses avec une sorte de froideur, de distance. En faisant du cinéma, je souhaite dégager une sorte de réalité, dans laquelle on retrouve mélangés le grave et l'absurdité. Celle-ci engendre des effets comiques, parfois involontaires. Je n'aime pas qu'on catégorise mes films en disant " celui-ci est sérieux, comique, serein… " parce que comme dans la vie, beaucoup de choses s'y retrouvent, ils n'ont pas qu'une seule spécificité…