Objectif Cinéma :
On a cependant l'impression qu'il
y a dans ce dernier film une jubilation qui était
moins présente dans les précédents
films. Est-ce que vous ne souhaiteriez pas faire une véritable
comédie ?
Tsai Ming-Liang : Effectivement,
lorsqu'on a commencé la préparation, le film
était sur le papier une comédie d'humour noir,
je me suis laissé aller par rapport à l'ambiance,
au personnage et à ce qui se dégage à
travers le tournage. j'essaye d'être le plus proche
possible du réel et je ne réfléchis
pas sur le fait de faire une comédie ou un drame.
Je me laisse guider par le film en quelque sorte.
Objectif Cinéma :
Comme les précédents,
votre film est guidé par le travail avec Lee Kang-Sheng,
comme s'il était sa matière principale : on
a l'impression que vous filmez presque en fonction de ce
que ressent physiquement Lee Kang- Sheng. Est-ce que cela
vient de votre expérience théâtrale
?
Tsai Ming-Liang : J'ai
écrit mes pièces de théâtre à
partir de réflexions et de sentiments personnels,
je n'ai jamais eu d'acteurs fétiches au théâtre.
Quand j'ai commencé à faire des films, après
avoir découvert et rencontré Lee Kang-Sheng,
je me suis rendu compte que je ne pourrais jamais trouver
quelqu'un qui soit comme une projection de moi-même.
En même temps, à travers Lee Kang-Sheng qui
est son propre rôle, j'exprime ma propre vision, ma
propre expérience. Quand j'ai rencontré Lee
Kang-Sheng, je me suis dit aussi que c'était la première
fois que je trouvais l'intérêt d'observer quelqu'un
dans sa vie quotidienne. Cela m'a passionné. Lee
Kang-Sheng est alors devenu un objet d'observation dans
mes films.
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Objectif Cinéma : Quels
sont, parmi les films que vous avez fait ensemble, ceux
où la part d'observation documentaire est la plus
vive que la part de fiction ? J'ai l'impression par exemple,
que le personnage de Kang dans The Hole est plus fictionné
Tsai Ming-Liang : The
Hole est un film un peu à part. C'est une commande
de Haut et Court et d'Arte sur l'an 2000, c'est un film
qui exprime mes sentiments sur la ville de Taipei qui est
sale, chaotique, avec un sentiment de peur et de paranoïa.
J'ai découvert à partir de ce film le travail
d'acteur de Lee Kang-Sheng. Lors du tournage de La rivière,
j'étais très présent pour la direction
d'acteurs, avec The Hole, il a trouvé son propre
style, son propre caractère, ce qui a facilité
le travail pour Et-là-bas quelle heure est-il ? C'était
alors beaucoup plus facile et libre de travailler avec lui.