Entretien
réalisé à Paris 19 septembre 2001
Par Nadia MEFLAH
Photos de Thibaud DEGENNE
Né en 1959 à Lisbonne,
le cinéaste Pedro Costa tourne depuis 1988. Très
fortement remarqué aux festivals et applaudi par la
critique internationale, son premier long-métrage O
Sangue l'impose comme un cinéaste portugais majeur.
Suivront deux autres films vénéneux Casa de
lava en 1994 et Ossos en 1998, ainsi qu'un portrait/documentaire
sur les Straub : Danielle Huillet, Jean-Marie Straub cinéastes/
Où git notre sourire enfoui pour la série Cinéaste
de notre temps Arte ( Pedro Costa explique les aléas
du film " Je ne peux dire qu'une vérité
soft sur ce qui s'est passé à ce sujet où
il existe deux versions d'un même film. Arte n'est pas
tellement différente de Canal Plus ou n'importe quelle
télévision, il ne faut pas se faire d'illusion.
Au début, il y avait l'espoir de créer quelque
chose de bien avec la télé et cela n'existe
pas. On m'a demandé de faire cela, j'étais content
de cette commande, c'était la première et je
ne crois pas que j'en aurai d'autres. Je voulais le faire
car j'admire ces gens et c'était à un moment
qui m'intéressait : apprendre ce qu'est le cinéma
en les voyant monter et s'ils parlaient, tant mieux ! L'hypocrisie
de cette chaîne de télévision vient du
fait qu'elle n'a jamais donné un centime pour la production
cinématographique de leurs films. Ni de diffuser un
de leurs films car ce serait faire du tort à leur grille.
C'est assez bizarre, ils veulent bien un film sur les Straub
mais pas des Straub. Ils veulent l'auteur, l'artiste et non
leur travail. Une marque déposée Straub car
ils font spectacle et c'est dommage. Ils font spectacle lorsqu'ils
disent ne pas vouloir couper le plan où un oiseau chante
car ils aiment tellement le cinéma. Ca fait rire alors
que c'est très simple : on a un son d'oiseau et le
minimum de respect est de ne pas le couper au milieu. Sinon
on est dans la barbarie, on va couper la fille et ainsi de
suite. Ca commence là. Il suffit d'être là
avec les gens et la lumière arrive. Les plus grands
films politiques sont mystiques. Le film sortira en salle
dans sa version d'origine dans une salle et je viendrais avec
eux j'espère le présenter.)
Jusqu'à la confrontation fulgurante
de son dernier film Dans la chambre de Vanda sur nos écrans
depuis le 19 septembre dernier, je ne connaissais strictement
rien de ce cinéaste portugais ; si ce n'est de très
vagues échos d'un film dit "culte" Ossos
que lui-même non pas renie mais écarte de ce
qui le meut : à savoir une radicalité fiévreuse
d'une vérité de la vie à dire. Comme
ça. Rompre tout le temps avec ce qui nous précède
afin de tendre à l'épure du souffle qui est
là, devant nous. Sans trahir. Sans en avoir peur. Pedro
Costa le répète comme une parole incantatoire
" ne jamais être plus fort que ce qui se passe
devant la caméra " et par là-même
s'affronter à ce qui nous résiste : une réalité
certaine de la vie. Mais quelle vie ? Celle de Vanda, femme
qui résiste au cinéma (celui de la représentation,
du type, du personnage) et au cinéaste. Rencontrée
sur le tournage de Ossos, en 1997 dans le quartier Cap Verdien
de Lisbonne Fontainhas, Vanda Duarte l'interpelle. Filme-moi
si tu en es capable. Mais alors fais-le vraiment. Le travail
peut commencer ; celui de la rencontre : à soi, à
l'autre, au monde. Ce qui fait le cinéma en somme