Objectif Cinéma :
Il n'a pas été démoli
par la pelleteuse que l'on voit durant tout le film ?
Pedro Costa : Non.
Elle est partie un jour sans jamais revenir. Vanda et les
autres entendent depuis plus de trois ans des promesses
de quartier rénovés avec de jolis bâtiments
et des écoles et des commerces et que tout le monde
serait heureux de vivre ensemble. Mais on a vu les machines
partir un jour. Peut-être n'ont-ils pas décidés
si ce serait un supermarché ou une autoroute à
la place du quartier. Ils leur faut d'autres réunions
aux décideurs, et cela se fait dans des restaurants
de luxe, avec des types horribles à moustaches et
cigares. Ils doivent discuter encore un peu plus, manger
et brûler de l'argent un peu plus. Mais c'est comme
ça partout et c'est dommage car il y a de très
belles choses humaines dans ce quartier. Il faut être
sentimentalement très bien armé pour vivre
ainsi : être capable d'un acte d'amour incroyable
et tout suite après d'un crime horrible. Il faut
savoir quelles en sont les raisons et il suffit d'être
là et de comprendre les gens. Il n'y a pas d'extrême,
vraiment et c'est la beauté de la vie. Seulement
des contradictions énormes où un être
humain est capable de commettre des actes terribles dans
des lieux sordides mais aussi de vie.
Objectif Cinéma :
Le film est plein de récits de vie alors même
que l'on est dans un même espace
Pedro Costa :
Je ne peux plus faire des films autrement. Cela ne m'intéresse
plus toutes ces histoires de casting, de scénario
à faire lire à des jeunes femmes et raconter
des idioties poétiques. A faire de la pose artistique.
Je ne peux plus. Je ne crois pas à la création,
mais au travail très long et fait de choses que l'on
a vu et ressenti. Un travail artisanal et ça c'est
très simple. C'est une vie.