Objectif Cinéma : L'Autre
Monde se prête volontiers à la discussion parce
qu'il est vraiment ancré dans l'actualité, à
savoir les événements en Algérie de ces
dernières années. C'est un type de film qui
doit être soutenu dans les réseaux Art et essai.
Or vous venez de nous apprendre que l'AFCAE refuse votre film.
Merzak Allouache : Oui,
à cause d'un désaccord politique. On me fait
dire que c'est un film qui ménage le pouvoir, qui frappe
sur les terroristes. Je suis surpris car ce n'est pas de cela
qu'il s'agit dans mon film. Je commence à comprendre
ce que veut dire la pensée unique. Il y a des gens
qui se nourrissent des différents reportages, se font
une idée globale sur la situation en Algérie.
À partir de là il faut être dans la ligne.
Je suis vraiment surpris parce que c'est une fiction, et non
un documentaire !
Objectif Cinéma : En
fait, les exploitants réticents, qui pourtant vous
ont suivi avant, vous disent clairement : "ça
ne va pas là ! tu te trompes".
Merzak Allouache : Il
fallait taper un peu plus sur l'Algérie. Pour moi,
il y a, derrière cela, la volonté que les
cinéastes qui écrivent sur des pays comme
l'Algérie, cassent un peu le pays pour plaire. On
se fait ici une idée de ce qui se passe ailleurs
et l'on voudrait que cette idée soit confortée
par le travail des gens qui ramènent des images.
Et cette volonté commence dès le scénario,
même si à ce stade on peut encore s'en arranger.
Mais quand il s'agit du moment de l'exploitation du film,
j'appelle cela du boycott, de la censure, et je vais le
dénoncer. Je vais aller voir la SRF. Je suis soutenu
par l'ACID. Pour le moment, je ne sais pas combien on va
obtenir de salles. Il y a une semaine, j'ai présenté
le film dans le Gers, à Auch. Il y a eu deux débats
très intéressants avec des français,
pas d'immigrés, des personnes âgées
; on a débattu sur la situation algérienne,
le terrorisme etc. Les gens sont à la recherche d'informations.
Même si on parle beaucoup des questions esthétiques,
le film ouvre la voie à des questions d'actualité.
Il arrive sur les écrans, alors que depuis sept ans,
on n'a pas tourné de films en Algérie. Cette
exclusion du film a commencé avec les festivals qui
n'ont pas retenu mon film, alors que j'avais souvent l'habitude
d'être sélectionné. Or, généralement,
même quand un film est considéré comme
un peu médiocre, ou s'il fait partie d'une cinématographie
particulière, on le sélectionne quand même,
et on le passe à minuit, ou le matin. Là,
il ne s'est rien passé.