Objectif Cinéma :
Vous avez écrit le scénario
seul et coproduit aussi le film. Sur le tournage, y a-t-il
des choses que vous n'avez pas pu faire ou qui vous ont
surpris ?
Merzak Allouache : Il
s'agissait de remettre en marche une machine. Le cinéma
algérien est quand même dans un état
lamentable. Il n'y a plus de films, plus de salles, plus
de matériel, les gens sont usés, etc. Moi
je retourne en Algérie avec une petite équipe
composée d'Algériens, de Français,
et l'on fait la jonction sur place comme on peut. C'est
une organisation très dure à gérer.
En même temps, on commence à tourner dans une
espèce de suspicion. On me dit "Tu es cinéaste,
tu es parti, nous on est resté là, tu reviens,
tu vas tourner un film, raconter une histoire sur nous.
Tu n'as pas le droit, etc ."
Objectif Cinéma :
La question de la légitimité.
Merzak Allouache : Oui.
En Algérie, quand on est entre nous, on critique
tout ; dès qu'il y a un étranger, on a cette
espèce de retenue, on ne veut pas étaler les
choses. On m'a encore demandé dans le débat
pourquoi je montrais une Algérie négative
!
Objectif Cinéma : Peut-être
que le public algérien a besoin d'autre chose que
cette dureté qu'ils ont depuis longtemps ?
Merzak Allouache : Oui,
tout à fait. Ce qui marche le plus là bas,
ce sont les comédies. Actuellement il y a des feuilletons
très longs pendant le ramadan, des espèces
de comédies ou d'histoires d'amour à l'eau
de rose. Les gens sont contents.
Objectif Cinéma : Un
mot sur les conditions de tournage. Vous avez dit que c'était
des conditions difficiles, notamment au niveau de la sécurité.
Merzak Allouache :
Aujourd'hui, quand il y a des journalistes, une équipe
de tournage qui se rend en Algérie, il y a une sécurité
obligatoire. On nous donne une escorte, des policiers viennent
le matin et sont avec nous toute la journée. Moi
je ne pouvais et ne voulais pas refuser cela. J'avais des
techniciens français et je ne voulais pas avoir de
problèmes. Aujourd'hui, les villes sont sécurisées,
on ne vit plus la situation de 95-96. Il fallait juste un
peu faire attention. Mais c'est surtout le travail artisanal
qui a posé le plus de problèmes. Tourner un
film en Algérie, ce n'est pas comme tourner un film
en France. Tous les problèmes de logistique prennent
une dimension incroyable. Ou dormir ? comment manger ? etc.
tout est pourri ! Et tout cela bouffe un peu votre énergie.