Objectif Cinéma : Quel
est exactement votre rôle en tant que commissaire au commerce
?
Pascal Lamy : En
tant que Commissaire, membre du collège que constitue
la Commission, je participe étroitement au processus
d'élaboration des règles que propose la Commission.
En tant que Commissaire responsable de la politique commerciale,
mon rôle est de promouvoir la politique audiovisuelle
sur un plan international et d'assurer une adéquation
entre les engagements internationaux de la Communauté
et de ses Etats membres et la politique interne. Par ailleurs,
je veille aux développements dans les pays tiers, de
sorte à attirer si nécessaire l'attention des
régulateurs internes sur la nécessité
de réagir à une nouvelle donne internationale.
Objectif Cinéma : Quelles
conclusions tirez-vous de ce qui a été dit à
Beaune par Catherine Tasca ? A votre avis, le maintien d'un
système de soutien tel qu'il est aujourd'hui pratiqué
en France est-il compatible avec l'existence d'un projet culturel
européen efficace ?
Pascal Lamy : Le
maintien d'un système de soutien français n'est
certainement pas, par principe, incompatible avec un projet
culturel européen et il appartient en premier lieu
à la France de s'assurer de son efficacité.
La Commission européenne, de son côté,
veille à ce que ce soutien national s'inscrive harmonieusement
dans le respect des Traités et du droit à la
mobilité des personnes et des services en Europe. Mais
ceci n'entre pas directement dans mes compétences,
en tant que commissaire au commerce.
Objectif Cinéma : Qu'apporterait
de plus un changement du mode de vote, aux différentes
cinématographies ?
Pascal Lamy : Le
changement du mode de décision au sein du Conseil n'affecte
pas la sphère de l'audiovisuel : il devait permettre
à la Communauté de sortir d' une politique extérieure
souvent trop défensive en matière audiovisuelle
et d'évaluer vers une politique plus pro-active. En
effet, la lourdeur des prises de décision à
l'unanimité limite les possibilités d'action
et ne laisse de place qu'à la réaction, inévitablement
plus lente et moins inventive. De plus, la difficulté
de réunir l'unanimité des Etats membres ne fait
que s'accroître au fur et à mesure des élargissements
successifs de l'Union européenne à de nouveaux
membres.
Objectif Cinéma : Est-ce
que la présidence française de l'Union Européenne
a permis, selon vous, de débloquer la situation plus
rapidement vis à vis de l'Angleterre, de la Hollande,
et de l'Allemagne ? N'est-ce pas une suite logique aux attaques
envers la manière dont est organisée l'industrie
du cinéma français?
Pascal Lamy : La
question se réfère probablement aux difficultés
rencontrées au sein de la Communauté pour
adopter le programme MEDIA plus. Cette expérience
illustre parfaitement mon propos quand je militais en faveur
de l'abandon de la règle de l'unanimité qui
rend toute décision extrêmement difficile car
tous les Etats doivent donner leur accord.
Objectif Cinéma :
L'Europe représente-t-elle
véritablement un avenir, selon vous, pour les industries
nationales ?
Pascal Lamy : Je
constate que la demande de contenu culturel est double
: elle porte majoritairement soit sur des films à
contenu fortement local soit sur des productions à
contenu universel, de type block-busters hollywoodiens.
Le cinéma en Europe a souvent un contenu culturel
fortement marqué par la nation. Il risque donc
de rester une industrie que je qualifierai de marginale
sur un plan international, j'entends par-là, sans
aucun jugement de valeur, que ces films seront vus essentiellement
sur leurs marchés nationaux. Pour garder sa diversité
culturelle mais sortir du ghetto national, ce cinéma
doit viser le marché européen, parce que
la proximité culturelle entre les différents
Etats membres le rend possible. Mais, il y a encore beaucoup
à faire en ce sens. A ce jour, la circulation des
uvres européennes en Europe, bien qu'en net
progrès, reste très en deçà
de ce que l'on pourrait attendre.