Objectif Cinéma : Le
cinéma ne doit-il pas être considéré
un peu plus qu'il ne l'est aujourd'hui en France comme une
marchandise ? Faudrait-il par exemple modifier la manière
dont est identifié un film ? (L'identité d'un
film est définie en fonction de la provenance des
fonds et de ce fait il se différencie des autres
produits qui prennent en considération le critère
de la valeur ajoutée pour définir l'origine).
Pascal Lamy :
Le cinéma a une valeur marchande et il serait vain
de le nier. En même temps, la reconnaissance de l'identité
d'un film par un spectateur relève d'un processus
complexe qui ne dépend pas uniquement de son financement.
Les règles d'origine traditionnelles sont difficiles
à appliquer au cinéma et toute règle
sera par nature imparfaite. Comment définir précisément
la valeur ajoutée des divers éléments
constitutifs d'une production cinématographique ?
Objectif Cinéma :
La mondialisation de l'industrie
cinématographique est-elle à votre avis en
opposition avec l'exception (ou diversité) culturelle
française ? L'identité entre un pays et son
cinéma est-elle encore possible ?
Pascal Lamy :
Il serait bien de rappeler que la culture n'est pas l'apanage
de la France en Europe, même si l'identité
du cinéma français est très forte en
comparaison avec d'autres pays. Ainsi, il n'y pas une exception
culturelle française, unique en Europe, mais reconnaissance
par tous les Etats membres de la nécessité
de préserver la diversité culturelle européenne
dans les négociations commerciales internationales.
Quant à la mondialisation de l' industrie, elle peut
présenter, au lieu d'une menace, la garantie de survie
de groupes français, en mesure de résister
à la concurrence étrangère.
Objectif Cinéma :
La diversité artistique peut-elle
être affectée par les phénomènes
de concentration ?
Pascal Lamy : Les
phénomènes de concentration renforcent la
puissance financière de certains groupes. Je crois
prématuré de porter un jugement sur leur impact
sur la diversité artistique. Il faut garder à
l'esprit cependant que la production cinématographique
est une activité à risques : il est très
difficile de prévoir précisément comment
un film sera reçu par le public et si les investissements
réalisés produiront les bénéfices
espérés. J'en conclus qu'une couverture financière
plus large devrait permettre de prendre davantage de risques.
L'avenir nous dira si tel sera bien le cas.
Objectif Cinéma :
Une politique industrielle est-elle
indispensable pour qu'une industrie nationale existe en
Europe ?
Pascal Lamy : Cela
dépend ce que l'on entend par politique industrielle.
L'Etat a naturellement vocation à intervenir dans
le domaine de la culture, notamment pour apporter son soutien
à certains projets importants ou qui ne rencontreraient
pas de financement uniquement privé. L'Etat ne doit
cependant pas intervenir dans tout événement
ou production culturelle. La culture ne peut pas provenir
de l'Etat seulement, elle est avant tout le reflet de la
vitalité d'une société.
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Pascal Lamy : ancien
élève d'HEC, de Sciences Po
et de l'ENA a commencé sa carrière
dans la fonction publique, à l'Inspection
générale des finances et au
Trésor. Il fut ensuite conseiller du
ministre de l'économie et des finances,
Jacques Delors, et du premier ministre, Pierre
Mauroy. A Bruxelles de 1984 à 1994,
il a exercé les fonctions de Directeur
de cabinet du Président de la Commission
européenne, Jacques Delors dont il
a été le Sherpa au G7. En novembre
1994, il a rejoint au Crédit Lyonnais
l'équipe chargée du redressement
de la banque et dirigée par Jean Peyrelevade,
dont il est devenu ensuite le numéro
deux. Après la privatisation du Crédit
Lyonnais, P. Lamy est désigné
en juillet 1999 Commissaire européen
par Romano Prodi et le gouvernement français.
En septembre 1999 le parlement européen
le confirme dans les fonctions de Commissaire
au commerce, l'équivalent du ministre.
Source : Commission
Européenne
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