ITINERAIRE
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Michel Boujut : "
J'ai appris mon métier de journaliste, à la
télévision suisse à Genève (TSR).
Cela a été pour moi une école extraordinaire.
A l'époque, c'était une petite télé
artisanale - ce qui présente beaucoup d'avantages
- mais avec de grands professionnels, des vrais artisans
qui s'appelaient Soutter, Tanner, Goretta, entre autres...
un pur bonheur ! Très vite j'ai pu travailler avec
les uns et les autres. J'ai fait avec eux des portraits,
des reportages, à l'étranger, en Suisse...J'ai
appris beaucoup plus qu'un métier : une sensibilité.
J'ai vécu avec eux le passage (pour simplifier) du
documentaire à la fiction. C'est une chose magnifique
à vivre, une expérience incroyablement riche,
ma plus belle expérience professionnelle ! Ils nourrissaient
leurs fictions avec leur travail : il n'y avait pas d'école
de cinéma en Suisse, ils ont donc appris leur métier,
la technique, un langage, et utilisaient en même temps
leurs expériences humaines. Goretta m'avait raconté
quelque chose qui m'avait énormément troublé
: il faisait le portrait d'un couple de comédiens
genevois, et juste après le tournage qui durait une
quinzaine de jours, ce couple s'était séparé.
Ce n'étaient pas les questions de Goretta, la cohabitation
avec une équipe qui avaient provoqué la brisure
dans le couple, mais cela avait accéléré
leur prise de conscience. On se rendait compte qu'on avait
un merveilleux outil entre les mains mais qu'il fallait
être extrêmement attentif. On n'était
pas seulement des gens qui voulions " prendre "
aux autres, mais même en étant attentif, des
dérapages étaient possibles. "
JUGEMENT CRITIQUE
Michel Boujut : "
Des gens comme Bazin et plus tard Daney se posaient énormément
la question du jugement. Je trouve horrible dans la vie
les gens qui sont péremptoires. Le critique peut
donner l'impression qu'il est péremptoire, puisque
dès que sort un film, il donne son avis. Il faut
s'y prendre de façon telle que cela ne soit pas péremptoire.
Ce n'est pas pour dire qu'on n'a pas de certitudes, ça
deviendrait une position un petit peu lâche, on est
critique, il faut assumer aussi notre " fonction "
! Mais ne jamais être péremptoire et laisser
une petite ouverture... On n'est pas des " équarrisseurs
" (comme disait Boris Vian) ou des tueurs. On peut
être très sévère sur un film
: ça m'est arrivé et ça m'arrive encore
sûrement, mais pas avec une espèce d'acharnement
et de volonté de faire du mal au cinéaste,
scénariste, comédien... "
CINEMA CINEMAS
Michel Boujut : "
L'idée avec cette émission n'était
pas de faire du cinéma sur le cinéma. On faisait
vraiment de la télévision, sauf que ce n'était
pas de la télévision comme on pouvait en voir
à l'époque. L'idée de soigner un cadre,
une lumière, c'était pour entraîner
le spectateur vers la fiction, vers le cinéma...oui
c'est contradictoire mais je n'ai pas peur de la contradiction
! C'était toujours l'idée d'introduire une
petite notion de fiction "
RADIO
Michel Boujut : "
La radio me passionne complètement. Ce n'est pas
du tout de la frustration de faire de la radio faute de
faire de la télé. Si on s'y prend comme il
faut, la radio peut être un média extraordinaire
pour le cinéma, parce que contrairement aux extraits
de films et bandes annonces souvent dissuasifs dont usent
et abusent les chaînes, la radio permet de rêver
et de développer un imaginaire cinématographique
qu'on a tous en tête. Je m'aperçois que je
fais toujours la même chose : de Cinéma Cinémas
à la radio, à ce bouquin (" la promenade
du critique ", ndlr), c'est la même chose, quelque
soit les supports. Je ne sais faire qu'une chose, cet esprit
un peu " enquête " qui est quand même
un genre magnifique ! "