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David Lynch & roland Kermarec (c) D.R. ROLAND KERMAREC
ON the ... Lost Highway
Entretien réalisé
à Paris le 25 juin 2000
Par Bernard PAYEN


Roland Kermarec, jeune professeur de français, aspirant réalisateur et rédacteur pour Objectif Cinéma depuis la création du site, est l'auteur de deux mémoires universitaires consacrés à David Lynch qui lui ont valu la chance de suivre l'intégralité du tournage de Lost Highway durant trois mois et demi en 1995-1996.

Récit de l'aventure…


Objectif Cinéma : D'où est partie toute cette aventure ?

Roland Kermarec : J'ai choisi David Lynch comme sujet de mon mémoire de Maîtrise de Lettres Modernes quand j'étais à la fac de Brest. J'avais envisagé dans un premier temps de me concentrer sur ses deux premiers films, Eraserhead et Elephant Man, mais mes directeurs de recherche ont d'abord voulu que je resserre davantage le sujet autour d'une thématique précise, tant ils n'étaient pas sûrs de pouvoir eux-mêmes me guider. Ce n'était pas évident pour eux d'accepter un tel sujet, car la véritable filière cinéma se trouve en fait à Rennes. Et il n'y a pas une filiation évidente entre Eraserhead et la littérature ! Si encore j'avais choisi Dune ou même Sailor et Lula !

Lynch a un rapport très difficile avec les mots. Il montre dans son premier court métrage, intitulé The Alphabet, qu'il refuse les mots. Et s'il répète très souvent la même chose dans ses interviews, c'est parce qu'il se méfie des mots et préfère se réfugier derrière un discours qu'il maîtrise parfaitement et ressert invariablement aux journalistes (ses propos sur les idées qui flottent dans l'air, son attirance pour les mystères, etc.). Ecrire un mémoire de Lettres Modernes sur Lynch pouvait donc paraître à l'origine un peu étrange.


  Elephant Man (c) D.R.

Objectif Cinéma : Et des profs t'ont fait confiance ?

Roland Kermarec : J'avais rencontré un prof qui faisait du théâtre et un autre qui faisait un petit cours de critique de cinéma en Licence. Ces deux professeurs se sont donc associés pour diriger mes recherches. Je ne pouvais leur donner aucun plan au début, contrairement à ce qui se fait dans ce cas là, parce que je ne savais pas trop où j'allais, et je n'avais qu'une vague idée de ce à quoi j'aboutirais. Baliser très précisément tout l'itinéraire que j'allais suivre durant cette année-là aurait de plus un peu tué tout désir de plongée dans un monde mystérieux.
Souvent, les mémoires ont des titres bien ronflants avec des hypothèses pseudo-intellos... Comme Lynch a un regard naïf sur le monde, un regard d'enfant avide de découvrir l'univers sans la moindre idée préconçue, j'ai voulu garder le même esprit pour le mémoire et ne pas trop intellectualiser mon propos : regarder ses films sans a priori, sans préjugés.

Mon mémoire de Maîtrise s'est finalement concentré sur Eraserhead et sur les courts métrages de Lynch (Six Men Getting Sick, The Alphabet et The Grandmother. Après l'avoir soutenu, j'ai immédiatement enchaîné avec un mémoire de DEA sur Elephant Man, avec une base plus littéraire, qui comprenait toutes les adaptations de la vie de Merrick, notamment le texte de Frederick Treves, le chirurgien interprété par Anthony Hopkins dans le film, ainsi que les recherches très poussées de deux documentaristes anglais, Michael Howell et Peter Ford, qui ont retracé la vie de Merrick.
D'un côté, j'avais évoqué en détails la vie du personnage en la comparant à l'adaptation de David Lynch, et de l'autre, j'avais fait des interprétations personnelles, tout en rappelant à chaque fois ce que dit Lynch quand on lui demande comment interpréter un film, autrement dit qu'il y a autant d'interprétations que de spectateurs. J'insistais à chaque fois sur ma propre subjectivité et en aucun cas sur l'idée d'une interprétation définitive du film.