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Isao Takahata (c) D.R. ISAO TAKAHATA
L'intuitif
Entretien réalisé à l'occasion du Festival
de Perpignan, Confrontation 37
Par Cyril JOHANNEAU


Compte rendu de la table ronde Le dessin animé japonais, autour d'Isao Takahata, réalisateur du Tombeau des lucioles et de Mes voisins les Yamada, menée par Jacques Choukroun, le 03 avril 2001, dans le cadre du Festival de Perpignan, Confrontation 37 Ecrans Japon .

"Il faut pousser les enfants vers l'extérieur. Les amener à reconsidérer leur place dans un environnement, au contact de la nature, des êtres, des bruits qui la peuplent. Inscrire leur corps autant que leur imaginaire dans le monde."



  Hotaru (c) D.R.
Objectif Cinéma : Etant donné la place qu'occupe l'animé japonaise au sein de la production cinématographique mondiale, comment ressentez-vous et que pensez-vous de la distinction entre cinéma d'auteur et cinéma commercial ?

Isao Takahata : Effectivement, pour ma part je travaille depuis mes débuts dans un cadre commercial, bien que ma culture ne soit pas celle-ci. D'une part, j'ai toujours été très impressionné par le cinéma en prise réelle, et, d'autre part, mon admiration en terme d'animation s'est d'emblée portée vers des artistes comme Youri Norstein ou Paul Grimaud, qui a joué un très grand rôle dans ma vocation.

Ceci dit, la distinction entre cinéma d'auteur et commercial n'a pas forcément lieu d'être. si on resitue les choses, on peut dire qu'elle trouve son origine à la fin des années 50, le début des années 60, dans des courants très forts tels que la Nouvelle Vague en France ou la caméra stylo ou, aux Etats-Unis, dans des mouvements d'opposition à Disney qui marquent la naissance de la notion de cinéma d'auteur et, dans son sillage, d'un nouveau type de production.

Aujourd'hui, le clivage s'estompe. il suffit de voir la vitalité du Festival dAnnecy, d'année en année. La production présentée actuellement pourrait être en majeur partie qualifiée de commerciale sans que ce soit au détriment d'un travail dit d'auteur.


Objectif Cinéma : A l'époque, le grand studio concurrent de Disney est celui de la Toei au Japon. Or, vous quittez la Toei en 1968 : pour quelles raisons ? Et comment en arrivez-vous à créer le studio Ghibli avec Miyazaki ?

Isao Takahata : Lorsque en 1968, je décide de quitter la Toei, j'ai déjà une longue histoire derrière moi, à savoir une dizaine de longs métrages dans le giron du studio. Mon choix est alors principalement motivé par l'évolution des productions maison. En effet, c'est l'époque où la Toei se retranche sur le marché télévisuel ; je reste alors un certain temps à travailler sur des séries télévisées, mais déjà je ne me vois plus d'avenir au sein du studio. Avec Hayao Miyazaki nous partons, et travaillons dès lors pendant plusieurs années sur des séries télévisées au retentissement mondial. La première d'entre elles est Heidi (Alps no Shojo Heidi, 1973). C'est une période marquée par un labeur colossal et mené sans relâche : il nous fallait produire un épisode de 22 minutes et 30 secondes par semaine et 52 épisodes par an. De fait, nous enchaînions les saisons et les séries à tour de bras. Puis, au début des années 80, Miyazaki publie une bande dessinée originale, Nausicaä de la vallée du vent. Il décide de la porter à l'écran et m'appelle pour travailler sur l'adaptation. C'est dans ces conditions que naît Ghibli.


Mes voisins, les Yamada (c) D.R.
Objectif Cinéma : Quelles différences voyez-vous entre votre travail et celui de Miyazaki ?

Isao Takahata : En premier lieu, Miyazaki est influencé par la littérature anglaise pour enfants, ce quon appelle les fantasy. Et c'est là, la différence essentielle car, de ce fait, il élabore un monde indépendant et coupé du nôtre qui s'avère être un monde clos et fini : un véritable microcosme. Tout cela, en visant un réalisme formel assez aigu. Pour ma part, je mets en place un monde non fermé, qui s'inscrit dans la continuité du nôtre. Un monde où l'on peut entrer et duquel on peut sortir, aussi.

Mais, je voudrais ajouter une chose concernant Miyazaki : à mes yeux, c'est un génie. Miyazaki possède un vrai génie créatif, alors que ce n'est pas du tout le cas pour moi. Je n'ai pas du tout ce genre d'instinct. Je dirais que mon travail est plus intuitif.