Objectif Cinéma : Selon
vous, la science-fiction est-elle un univers en expansion,
un genre vivant qui a de l'avenir, ou au contraire, une
utopie en voie de disparition, en train de s'effacer devant
la réalité ?
Marc Caro : La
réalité dépassera toujours la fiction
car l'imagination humaine est sans bornes. Ce que je trouve
intéressant, c'est que ce n'est jamais ce que l'on
imagine qui se passe réellement. Dans les années
60, on imaginait que l'aventure spatiale se développerait
beaucoup plus qu'elle ne l'a fait. Contre toute attente,
l'informatique et l'intelligence artificielle ont explosé.
Qui aurait prédit que l'aérospatiale avancerait
à l'allure d'une tortue ? C'est cette impossibilité
à prédire l'avenir qui fait toute la magie
du monde - et c'est ça qui fait son charme !
Objectif Cinéma :
Le cinéma de science-fiction
parvient-il toujours à vous surprendre ?
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Marc Caro : Oui,
assez rarement. J'ai adoré Bienvenue à
Gattaca. Je suis sensible à cette S.-F. un peu
rétro, que l'on retrouve aussi en littérature
actuellement, avec l'uchronie, le steampunk
C'est
une sorte de mix de plusieurs courants. Matrix m'a
surpris. C'est un film qui récupère toute
l'imagerie du cyberpunk et de plein d'autres choses et qui
en fait la synthèse. C'est une nouvelle voie. Dans
ce sens, je m'intéresse de près aux visions
de l'Anglais Iain Banks, des Américains Greg Egan
et Greg Bear et de l'australien Neal Stephenson. Ils apportent
chacun quelque chose de nouveau. Ils décrivent souvent
des univers de hard science, mais ce sont précisément
dans ces univers qu'il faut chercher le futur. Moi qui suis
attaché aux arts plastiques, je peux vous dire que
c'est un vrai bonheur d'admirer les peintures originales
d'un illustrateur tel que Manchu, l'un des plus grands représentants
du space art aujourd'hui (ndlr : Marc Caro avait engagé
cet artiste pour réaliser une illustration d'un maxi
de Cosmophonic, qui n'a hélas jamais vu le jour).
En BD, je ne vois pas beaucoup de projets courageux. Le
statut quo est un peu établi, même chez les
Japonais, dont la fraîcheur des images et des scénarios
m'a toujours beaucoup étonné. En définitive,
ce que je recherche, ce sont des émotions. En voyant
Le Tombeau des lucioles d'Isao Takahata, je n'ai pas
pu empêché de pleurer !
Objectif Cinéma : Pensez-vous
que la science-fiction soit toujours considérée
comme un " sous-genre ", un peu marginal,
voire rejeté ?
Marc Caro : J'en
ai bien peur. Pour preuve, les festivals ont énormément
de difficultés à obtenir des copies de longs-métrages
de science-fiction. Pour la mauvaise et simple raison que
les distributeurs n'aiment pas tellement que l'on applique
un gros tampon " S.-F. " sur leurs films.
En ce qui concerne les blockbusters, c'est on ne peut plus
flagrant.