Moi, la S.-F., j'adore ça !
La S.-F. est l'un des seuls genres de fiction qui aborde
des problématiques aussi bien philosophiques que
technologiques et qui pose des questions, y compris des
questions sur ce qu'est la réalité
Il
suffit de lire les uvres de l'écrivain américain
Philip Kindred Dick pour s'apercevoir que la science-fiction
n'est pas que de la science-fiction : c'est aussi de
la philosophie.
Objectif Cinéma : Vous
souvenez-vous de votre premier contact avec la S.-F. ?
Marc Caro : Mon
grand flash, c'est incontestablement 2001, l'Odyssée
de l'espace. Un an après la sortie du film, l'homme
posait pour la première fois le pied sur l'astre
lunaire sous les yeux de plusieurs centaines de millions
de téléspectateurs
Ce fut pour moi une
conjonction fantastique ! Quand on est enfant, on rêve
d'être pompier ou de jouer les cows-boys
Moi
j'ai toujours rêvé d'être astronaute.
J'ai également quelques souvenirs parmi mes premiers
romans : Le Monde des A, écrit par Alfred
Elton Van Vogt ; Jack Barron et l'éternité,
écrit par Norman Spinrad. Je me souviens avoir lu
Asimov et Heinlein avec une passion dévorante !
Objectif Cinéma : Vous
avez d'ailleurs réalisé un CD en collaboration
avec la Nasa
un hommage à 2001 ?
Marc Caro : Oui,
un hommage à la détermination et à
l'intelligence de l'être humain. J'ai fabriqué
des samples à partir d'enregistrements recueillis
dans l'espace par la Nasa et en reprenant les discours enflammés
de John Fitzgerald Kennedy. En fait, je m'aperçois
que j'ai une vraie nostalgie de cet événement.
J'ai naïvement pensé que la réalité
futuriste et utopique des romans de science-fiction allait
devenir notre réalité. Je m'étais dit
que l'on allait rapidement coloniser et terraformer toutes
les planètes. A partir de 1969, mon rêve s'est
un peu dilué. L'an 2000 était également
porteur des espoirs les plus fous. Une fois de plus, j'ai
vite déchanté. Aujourd'hui, on pose les premières
briques de l'exploration interplanétaire avec la
station spatiale internationale et la conquête de
Mars
Qu'on le veuille ou non, on sera bien obligés
- un jour - de quitter notre bonne vieille planète
Terre !
Objectif Cinéma : La
science-fiction a-t-elle encore un quelconque intérêt
si la réalité ne cesse de la rattraper ?
Marc Caro : Cette
espèce de partie de ping-pong entre la fiction et
la réalité a toujours existé. Elle
m'excite beaucoup. C'est un peu comme les romans de Jules
Verne, qui fanstasment sur des réalités, sur
des hypothèses. Les gens se les approprient et recréent
de nouvelles hypothèses, de nouveaux possibles, qu'ils
poussent dans leurs derniers retranchements, parfois avec
des impossibilités techniques, mais qu'importe !
Tout ce travail de projection nourrit un peu les scientifiques
qui, à leur tour, sont bercés dans un environnement
culturel qui les fait rêver. Par conséquent,
c'est peut-être cette part de rêve imaginée
par quelques-uns, qui rebondit sur d'autres, qui exploitent
leurs outils mathématiques, technologiques, et qui
vont faire en sorte que certains fantasmes se concrétisent.
Les nouvelles découvertes scientifiques rebondissent
à leur tour dans l'imaginaire des écrivains,
des illustrateurs et des cinéastes. Ce processus
dynamique est très intéressant.