Objectif Cinéma : Ne
vous était-il pas trop difficile d'incarner l'histoire
d'amour de Garrel et Nico, alors que tant d'autres s'y étaient
déjà essayés ?
Mehdi Belhaj Kacem : La
difficulté d'un acteur réside dans la proximité
qu'il peut entretenir avec le rôle. Il a son corps,
quelques répliques sur un papier, et puis c'est tout.
Je pense surtout que la difficulté était pour
Julia en tant qu'actrice de jouer une actrice qui joue Nico...
C'était différent pour moi car je n'étais
pas acteur au départ de ce projet et je n'avais que
ce film pour le devenir.
Julia Faure : Pour
moi, ce n'était pas une difficulté, plutôt
quelque chose qui s'apparente à une délivrance.
Cela avait l'air d'un enfermement à l'intérieur
de moi, un enfermement qui te bloque à un moment de
ta vie. Mais même s'il y a de cela, ce n'était
qu'apparence, dans le sens où l'on ne peut cantonner
le film à ce seul motif.
Mehdi Belhaj Kacem : Je
ne savais pas ce qu'était le métier d'acteur.
C'est sur la fin (du tournage) que je me suis rendu compte
que j'avais accompli un véritable travail d'acteur,
dans la mesure où, dans la vie je ne ressemble pas
véritablement au personnage que j'incarne.
Objectif Cinéma : Mehdi,
en tant qu'écrivain, n'as-tu pas eu un sentiment
d'assimilation avec la figure de l'artiste ? Tu interprètes
un réalisateur mais avant tout un créateur
Mehdi Belhaj Kacem : On
ne peut pas réellement y échapper, je retrouve
certaines de mes affinités à travers l'ombre
de Carax par exemple, qui devait dans un premier temps interpréter
le rôle. Il y a aussi des choses personnelles :
la première partie du film ressemble à une
période de ma vie, c'est évident. De toute
façon, Philippe qui est quelqu'un de très
gentil, de très doux, nous amène de façon
certaine là où il le désire. Cela m'a
conduit à me poser des questions par rapport à
ce que j'avais fait il y a quatre ou cinq ans, au travers
d'une revue. Il y a une perversion inconsciente par exemple
quand on est cinq, six dans une revue et qui rejoint ce
phénomène de petit groupe que l'on peut retrouver
sur un tournage. J'ai pu me reconnaître dans l'interrogation
sur la culpabilité qu'il y a dans le film, par rapport
à mon expérience de vie.