Objectif Cinéma : Le
petit garçon refuse toujours d'être entraîné
par sa mère. On voit que le transfert d'identité
ne se fait pas. D'ailleurs, quand ils vont chercher sa grand-mère
à l'aéroport, son frère lui dit "
On dirait une Cheyenne "
Chad Chenouga :
Ce que sa mère lui transmet, est mal transmis. Elle
ne lui a pas appris l'arabe, elle ne lui a pas dit qui était
son père
Il y a des non-dits qui rendent les
bases pas très solides. Elle a créé
un faux père avec lui, par le biais du testament
Et surtout elle croit à des choses qui ne sont pas
tangibles. Comment peut-elle croire qu'elle va gagner le
procès avec ce faux testament ? Il y a en outre cette
superstition du grain de beauté dans la main
Objectif Cinéma : Elle
se détache de l'Algérie de par certains côtés
: elle a l'air très européenne, elle porte
une perruque, mais elle est toujours enfermée dans
ses croyances
Considérez-vous que votre film
parle aussi de l'Algérie ?
Chad Chenouga : ARTE
m'a dit que c'était l'un des rares films actuels
qui parlait réellement des relations entre la France
et l'Algérie, ça m'a plu. Il s'agit apparemment
d'une famille très française, et les relations
ambiguës et non apaisées entre la France et
l'Algérie passent à travers les scènes
très spectaculaires entre la mère et la fille.
Tout cela est en toile de fond, je n'ai aucun message à
transmettre de ce point de vue. Un journaliste du Monde
(Jacques Mandelbaum) en parlait très bien, en replaçant
le film dans son contexte historique. Il parlait des relations
désastreuses entre la France et l'Algérie.
Moi, je ne raconte pas la Grande Histoire, il s'agit de
la toile de fond. Ma mère est partie avant la fin
de la guerre d'Algérie en 1960, elle devait accompagner
des blessés en France, et elle est restée
sur le sol français. Elle est devenue une vraie petite
française, et toutes les choses qui n'étaient
pas réglées avec sa culture ont ressurgi de
manière assez violente, lorsque l'équilibre
acquis a vacillé.
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Objectif Cinéma : Comment
vous situez-vous par rapport au film de Yamina Benguigui
Inch'Allah Dimanche ?
Chad Chenouga : Il
faudrait qu'elle fasse de la sociologie ! Mémoire
d'immigrés (1998) était superbe, mais
son dernier film, ce n'est pas du cinéma. J'ai vu
beaucoup de films sur l'immigration. Vivre Au Paradis
(de Bourlem Guerdjou 1998), c'était pas mal, Le
Gône du Chaaba (de Christophe Ruggia 1997 tiré
du roman éponyme d'Azouz Begag) aussi, c'est sincère,
généreux. Les gens n'osent pas casser Yamina
Benguigui, sous couvert de ce qu'elle a fait pour la télé.
Elle travaille pour France 3 et fait des choses intéressantes...
Mais dans ce film, tout est appuyé : ce sont des
bons sentiments.
Objectif Cinéma : A
propos du fantastique, il me semble que le cinéma
est le lieu de l'expérimentation, dans le plan, dans
le montage, comme le fait Jean-Claude Brisseau par exemple.
Pour vous, le fantastique est une vraie question de cinéma.
Chad Chenouga : Les
images qu'on a envie de transmettre acquièrent une
force grâce au cinéma. C'est ce qui m'intéresse
le plus.
Objectif Cinéma : Y-a-t-il
des cinéastes qui vous inspirent, qui vous hantent
?
Chad Chenouga : J'aime
beaucoup Fellini, en particulier ses premiers films,
La Dolce Vita, La Strada, ce style poétique,
mélancolique. J'aime Bertrand Blier, j'ai d'ailleurs
tourné avec lui. C'est un véritable auteur,
même si ce n'est pas toujours de bon goût de
l'aimer. J'aime les premiers films de Ken Loach, Kes. J'ai
vu beaucoup de films sur l'enfance pour préparer
17, Rue Bleue : Salaam Bombay de Mira Nair,
L'incompris et Pinocchio de Luigi Comencini.
Les films de Hou Hsiao Hsien Un temps pour vivre, un
temps pour mourir.