Objectif Cinéma : Selon
vous, pourquoi 17, Rue Bleue n'a pas été
soutenu par l'AFCAE , qui représente plus de neuf
cent écrans en France, alors qu'il soutient Harry
Potter ?
Chad Chenouga : C'est
très étrange. Rezo était accablé,
car apparemment certaines personnes trouvaient l'histoire
peu crédible, car ces enfants sont livrés
à eux-mêmes, sans assistante sociale
Ils auraient mieux fait de venir me voir directement, puisque
le récit est autobiographique. Beaucoup de gens de
l'AFCAE4 sont des anciens profs, du coup, leur fonction
passée ou présente est remise en cause. Pour
L'argent de poche en 1975, François Truffaut
a eu le même problème. L'histoire est assez
gentille, mais les profs disaient la même chose. Je
fais ce parallèle uniquement au niveau des réactions.
Ce sont des réactions politiques, comme pour L'Autre
Monde de Merzak Allouache (voir à ce sujet l'entretien
sur le webmag) Imago de Marie Vermillard, ce sont
très souvent les premiers films. Je pense que je
ne répondais pas au cahier des charges sociales bien
pensantes.
Objectif Cinéma : Combien
reste-t-il de copies ?
Chad Chenouga : Il
reste 6 copies en Province, j'espère que les autres
vont servir. Je vais faire beaucoup de débats sur
les secrets de famille. C'est bien.
Objectif Cinéma : Sur
combien d'entrées tablait le distributeur ?
Chad Chenouga : Il
aurait aimé faire 30 000 entrées, mais il
ne les aura pas. Je pense qu'il en fera 10 000 à
tout casser, sauf si des gens comme vous permettent d'en
parler. À Paris Première, ils ont dit que
c'était un très beau film, à France
Inter aussi
Mais il faut faire attention à
tout. Les synopsis des programmes dans certaines salles
de cinéma décrivent le film de façon
peu ragoûtante. En général on peut lire
: " Un petit garçon assiste à la déchéance
progressive de sa mère ". Il ne s'agit pas seulement
de ça, il me semble qu'il y a aussi beaucoup de force
de vie, beaucoup de scènes où l'on rit, et
le présenter comme ça ne motive pas pour le
voir
Moi-même, je n'y serai pas allé
!
Objectif Cinéma :
Vous disiez tout à l'heure que 17, rue Bleue était
un film d'époque, mais on bascule assez rapidement
dans le fantastique, sans y entrer totalement. Pourquoi
cette volonté de rester un peu à la surface,
cet aller-retour entre le réalisme et le fantastique
?
Chad Chenouga : Pour
moi, c'est un film fantastique. Il faut le voir, même
s'il y a des scènes fantastiques. Le fantastique
est apporté par le glissement progressif de la mère
qui, en sombrant peu à peu dans la folie, est sur
le point d'entraîner son fils dans ses fantasmes de
possession, de quête de l'argent.
Objectif Cinéma : Vous
vous appuyez beaucoup sur les croyances, les superstitions
Chad Chenouga : Sur
la transmission de ses fantasmes. À un moment donné,
l'enfant est sur le point de sombrer. On voit les cafards,
les kafkards c'est
(rires spontanés devant ce
beau dérapage labial). Les kafkards, c'est ça.
Il y a la présence du tableau qui, au moment du huis
clos font qu'on glisse dans le fantastique. Je ne le refuse
pas, c'est l'enfant qui refuse d'y sombrer. J'aurais aimé
faire un gros, un énorme plan de cafard, ça
me manque. Kafka et Maupassant sont deux auteurs que j'adore
et les cafards ne sont pas là par hasard. Le cinéma
est un art total, si on peut tout utiliser
Quand la
mère est possédée par son désir
de posséder, le morbide s'installe, avec l'enfermement,
et toujours cette double thématique de la mort et
de l'argent.