Chad Chenouga : Non,
pas seulement comme un passage obligé, j'aimerais
y revenir, mais on n'a aucune reconnaissance sociale avec
le court-métrage, j'entends par-là qu'on ne
gagne pas sa vie. Sur Rue Bleue, j'ai reçu
de l'argent grâce aux prix et à la diffusion
télé pendant un an, ce qui n'est pas mal,
puisque au départ, ce n'est pas ce qu'on attend d'un
court-métrage. C'est presque aussi compliqué
que de monter un long-métrage, non pas au niveau
de l'écriture, mais pour ce qui suit (à savoir
la production) et ça demande beaucoup de travail.
J'ai voulu revenir au court-métrage plusieurs fois,
mais il faut pouvoir se dégager des questions d'argent
: comment fait-on pour vivre, payer ses factures. Je ne
crois pas qu'on fasse du cinéma uniquement pour pouvoir
vivre financièrement. J'ai gagné ma vie avec
17, Rue Bleue, mais c'est fini.
Objectif Cinéma : Et
financièrement parlant ?
Chad Chenouga : Ca
n'a pas été évident, mais je ne suis
pas le moins bien loti. 17, Rue Bleue est un film
d'époque (les années soixante), c'était
assez dur à gérer. On m'a donné juste
ce qu'il faut, je n'ai pas d'acteurs connus et cela j'y
tenais. J'ai reçu presque neuf millions de francs.
J'ai eu l'Avance sur Recettes, et en partenaires financiers
: Canal plus, Arte, le Conseil Régional de Franche-Comté.
Objectif Cinéma : Le
film passe dans deux salles à Paris à des
horaires insensés, malgré des critiques élogieuses.
Il n'y a pas eu d'affiches non plus.
Chad Chenouga : Le
distributeur Rezo Film a estimé que, puisque je n'avais
pas d'acteurs connus, que l'affichage n'était pas
nécessaire. N'y connaissant rien, j'ai dit OK, par
contre, il y a eu des encarts dans la presse. Ensuite, il
était question d'utiliser des extraits d'articles
pour les diffuser en tant que publicité dans la presse
en deuxième semaine. Les papiers étaient assez
bons, donc c'était possible, mais le film n'a pas
marché comme ils voulaient en deuxième semaine,
donc il n'y a pas eu de suite à ce niveau-là.
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Objectif Cinéma : Combien
y'a t-il eu de copies ?
Chad Chenouga : À
Paris, il y a eu quatre copies et vingt-cinq en province.
Il est sorti dans deux grandes salles à Paris, et
ce qui m'a beaucoup étonné c'est qu'il est
resté deux semaines à l'UGC Ciné Cité
les Halles. Je me demandais ce que faisait mon film parmi
les autres. La fréquentation aux Halles a augmenté
de jour en jour la première semaine. Mais les gens
ne savaient pas que le film était sorti, ni ce que
c'était. Évidemment, il y a eu de bons papiers,
mais tout le monde ne lit pas la presse. Je pense que les
affiches ne servent plus à rien, mais le fait de
ne pas en avoir est encore plus pénalisant. C'est
comme la publicité, qui dit " attention, on
est là." Il y a aussi d'autres choses qui entrent
en jeu, beaucoup de films sortent chaque semaine, mon film
est sorti en même temps que Tanguy, le dernier
Lynch, le Carpenter
Certains me disent que ce n'est
pas le même public. Je ne suis pas d'accord car moi
je vais voir toutes sortes de films.
Objectif Cinéma :
29 copies, c'est beaucoup pour un
premier long-métrage.
Chad Chenouga : On
s'est rendu compte que le film passait une fois par jour
dans certains cinémas de province, donc on en a retiré
pas mal. Il vaut mieux qu'il y ait peu de copies mais des
exploitants très dynamiques. À l'UGC Strasbourg,
il y a eu 60 personnes en une semaine, dont 10 que je connaissais,
et le synopsis du programme était horrible. À
l'étranger, la Belgique voulait acheter le film,
mais à un prix dérisoire, donc le distributeur
a refusé. J'ai eu un prix d'aide à la distribution
en Belgique de 25 000 francs, et le type voulait l'acheter
40 000 francs