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Cédric Kahn (c) D.R. CEDRIC KAHN
" Je fais des films pour savoir
pourquoi je les fais "
Entretien réalisé
à Paris en septembre 2001
Par Marc LEPOIVRE


Cédric Kahn est l'un des plus brillants représentants de la nouvelle génération du cinéma français. Après Bar des rails réalisé à 25 ans en 1991, Trop de bonheur (1994), Culpabilité zéro (1997), L'ennui (1998), il signe avec Roberto Succo, (2001) l'étude passionnante d'un " assassin sans raison ".


  Bar des rails (c) D.R.
Objectif Cinéma : Après deux courts-métrages, Nadir en 1989, tourné en vidéo, et Les Dernières Heures du millénaire en 1990, vous êtes passés très tôt, à 24 ans, au long-métrage avec Bar des rails en 1991. Il apparaît que, dans votre parcours, le montage a joué un rôle essentiel, puisque vous avez commencé comme assistant monteur de Yann Dédet (Sous le soleil de Satan).

Cédric Kahn : Le montage pour moi a été très formateur. J'ai fait mon premier film à 24 ans et c'est parce que j'ai passé pas mal de temps dans une salle de montage, que j'ai pu tenir les rênes du film, résister à l'équipe technique, imposer ma façon de voir les choses. Le montage c'est vraiment la synthèse de tous les éléments du cinéma. C'est là où on finit les films. On se rend compte de ce qu'on peut ou ne peut pas faire, et on peut faire beaucoup plus de choses que ce qu'on nous dit qu'on peut faire. On se rend compte de toutes les possibilités qu'offre le cinéma au montage. On croit qu'une scène est forte à tel endroit et l'intérêt se déplace : ce qui n'était pas drôle devient drôle… C'est comme de l'argile, une matière qu'on peut travailler. C'est une matière souple, pas figée. Ce que j'ai appris d'essentiel et qui me sert toujours dans mon travail, c'est cette souplesse du matériau qu'est le cinéma. Quelque chose en perpétuelle évolution, maturation.


Objectif Cinéma : Ce qui m'a frappé en premier lieu dans vos films, c'est justement la force, voire la brutalité, du montage.

Cédric Kahn : Je suis adepte du montage qui ne se voit pas. J'aime bien quand on ne voit plus rien. Je n'aime pas les effets.

Cédric Kahn (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous privilégiez les ellipses, les ruptures dans la construction de vos films.

Cédric Kahn : Oui par exemple Trop de bonheur, dans lequel il y a une véritable gageure de montage, c'est un film tout en vrais raccords. Pendant la séquence de la fête, qui dure 40 minutes à l'image (et qui est censée représenter une fête qui a duré sept ou huit heures), il n'y a pas une ellipse, c'est tout en continuité. Mais c'est une fausse continuité puisque c'est un temps de 40 minutes qui représente un temps de plusieurs heures. Chaque plan glisse de l'un à l'autre. Il n'y a ni ruptures, ni ellipses. Et c'était une difficulté de montage bien supérieure au fait de faire des ellipses.

Objectif Cinéma : Dés vos débuts dans le cinéma, le montage vous a-t-il passionné ?

Cédric Kahn : Autant je me suis senti immédiatement mal dans la peau d'un stagiaire assistant sur un plateau, - d'ailleurs le plateau continue à ne pas être l'endroit que je préfère, même si j'ai connu des tournages agréables - autant je me suis senti immédiatement bien dans une salle de montage.


Objectif Cinéma : Le montage vous a peut-être d'emblée paru le processus qui constitue le cœur du langage cinématographique ?

Cédric Kahn : J'adore le montage, mais en même temps, j'y crois de moins en moins. Je pense que le film se joue avant : au scénario, et au moment du choix des comédiens. Le cinéma, c'est l'art de la distribution. Quelle personne ajuste t-on à quel rôle ? On ne peut pas sauver les films au montage, on peut les abîmer, mais on ne peut pas leur donner leur intérêt.