Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Isao Yukisada (c) D.R. ISAO YUKISADA
Réalisateur

Entretien réalisé
Par Stephen SARRAZIN
Traduit du japonais par Yoshiko OKURA



BASS-O-MATIC (1)

Comprendre le réseau d'opérations qui mène à la diffusion de films Japonais contemporains à l'étranger n'est guère compliqué. En revanche, il gagne en frustrations d'année en année. En général, un médiateur, un passeur devient le contact privilégié au sein de structures précises, comme les festivals ou les distributeurs. Ce fut le cas des Cahiers du Cinéma Japon vers le milieu des années 90, à travers leurs liens avec les Cahiers en France et le festival d'Automne : ce fut l'occasion de cycles Kitano, Somai, et l'introduction a Kyoshi Kurosawa, Shinji Aoyama, Makoto Shinozaki. On connaît la suite.

  Cahiers du cinéma (c) D.R.

Autrement, les festivals étrangers s'appuient sur les films qu'ils reçoivent du Japon de la part de producteurs qui espèrent être retenus dans une sélection ou une autre. Ou bien ces mêmes festivals demandent parfois une sélection bénévole de la part de critiques et journalistes étrangers qui se trouvent sur place... et j'en connais qui disent oui.

Car relativement peu d'émissaires de festivals se rendent jusqu'à Tokyo, et ceux qui le font fréquentent les mêmes adresses. Mais trop souvent, les films indépendants encore plus modestes que ceux jadis produits par Suncent, on a à peine les moyens de faire des copies sous-titrées, ou même d'investir dans des sous-titres, ou de prévoir un budget promotion pour aider leurs films à l'étranger. Il existe moins d'une dizaine de sociétés disposées à créer un budget pour la promotion de leurs films. Les autres ont trop souvent tendance à s'appuyer sur le kiosque kermesse du groupe New Cinema From Japan qu'on croise de festival en festival avec leurs plaquettes qui reprennent des textes dithyrambiques rédigées par la personne qui parle le mieux anglais dans la boîte...

Desert Moon (c) D.R.

Bref, plusieurs films qui méritent un public étranger n'ont guère l'occasion de sortir du Japon. Et compte tenu d'une année 2001 tres moyenne sinon décevante (Kairo de Kurosawa. Desert Moon d'Aoyama, H-Story de Suwa, Distance de Koreeda ; Desert Moon et H-Story ne sont d'ailleurs toujours pas sortis au Japon), on regrette ces absences. Des soubresauts comme le récent festival de Berlin nous rappelle la force de certains réalisateurs ; outre le premier prix pour Miyazaki, l'excellent Lily Chou-Chou de Shunji Iwai a remporté le prix du cinéma d'art et d'essai. Mais pour Miyazaki, il faut savoir que son cinéma représente ce qu'il y a de plus mainstream, de plus grand public au Japon. Avec ses 22 millions d'entrées, Spirited Away confirme le statut de cet immense metteur en scène, qui a peu de choses à voir avec une idée de nouvelles images du Japon (il est sur la scène depuis presque 40 ans), et bien plus avec les grands maîtres, tels que Akira Kurosawa. Récompenser Miyazaki, normal, et ceux qui suivent son œuvre ont depuis longtemps compris que sa force dépasse largement le support de l'animation. Miyazaki est le lien avec l'autre Japon, celui qui n'est pas Tokyo.

Enfin, parmi ces films qui restent inédits à l'étranger, ces réalisateurs toujours inconnus, il faut citer le cas de Isao Yukisada, jeune trentenaire, ancien assistant de Shunji Iwai, qui a déjà 4 longs-métrages derrière lui, dont l'excellent Luxurious Bone, l'histoire d'un triangle amoureux. Une jeune femme, une sex worker, vit dans un agréable petit appartement avec une amie co-locataire, un peu plus jeune, un peu garçonne. L'affection que lui témoigne cette amie l'aide à respirer'; elle se trouve souvent prise de malaises hors des moments d'affection, ou de passion avec ses clients...Celui-ci s'accentue par l'impression d'avoir une arête d'anguille (l'os qui coûte cher) prise dans la gorge. Elle avale des verres d'eau, se met le doigt dans la gorge, rien n'y fait. Puis elle rencontre un nouveau client qui la sollicite sur son portable. Leur relation se transforme en un véritable lien, et ce dernier passe de plus en plus de temps à l'appartement, où il fait la rencontre de l'autre jeune femme, attirée à son tour par cet homme. Sans tomber dans le ménage à 3, la sex worker tolérera un temps l'ambiguïté de ces relations, après tout elle souhaite que son amie devienne plus 'féminine' et voit là une occasion. Mais la peur de perdre ces deux personnes réveille ses crises d'angoisse et d'asphyxie. Les choses tournent au drame.