BASS-O-MATIC (1)
Comprendre le réseau
d'opérations qui mène à la diffusion
de films Japonais contemporains à l'étranger
n'est guère compliqué. En revanche, il gagne
en frustrations d'année en année. En général,
un médiateur, un passeur devient le contact privilégié
au sein de structures précises, comme les festivals
ou les distributeurs. Ce fut le cas des Cahiers du Cinéma
Japon vers le milieu des années 90, à
travers leurs liens avec les Cahiers en France et le
festival d'Automne : ce fut l'occasion de cycles Kitano,
Somai, et l'introduction a Kyoshi Kurosawa, Shinji Aoyama,
Makoto Shinozaki. On connaît la suite.
Autrement, les festivals
étrangers s'appuient sur les films qu'ils reçoivent
du Japon de la part de producteurs qui espèrent être
retenus dans une sélection ou une autre. Ou bien ces
mêmes festivals demandent parfois une sélection
bénévole de la part de critiques et journalistes
étrangers qui se trouvent sur place... et j'en
connais qui disent oui.
Car relativement peu d'émissaires
de festivals se rendent jusqu'à Tokyo, et ceux qui
le font fréquentent les mêmes adresses. Mais
trop souvent, les films indépendants encore plus modestes
que ceux jadis produits par Suncent, on a à peine les
moyens de faire des copies sous-titrées, ou même
d'investir dans des sous-titres, ou de prévoir un budget
promotion pour aider leurs films à l'étranger.
Il existe moins d'une dizaine de sociétés disposées
à créer un budget pour la promotion de leurs
films. Les autres ont trop souvent tendance à s'appuyer
sur le kiosque kermesse du groupe New Cinema From Japan qu'on
croise de festival en festival avec leurs plaquettes qui reprennent
des textes dithyrambiques rédigées par la personne
qui parle le mieux anglais dans la boîte...
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Bref, plusieurs films qui
méritent un public étranger n'ont guère
l'occasion de sortir du Japon. Et compte tenu d'une année
2001 tres moyenne sinon décevante (Kairo de
Kurosawa. Desert Moon d'Aoyama, H-Story de Suwa,
Distance de Koreeda ; Desert Moon et H-Story
ne sont d'ailleurs toujours pas sortis au Japon), on regrette
ces absences. Des soubresauts comme le récent festival
de Berlin nous rappelle la force de certains réalisateurs ;
outre le premier prix pour Miyazaki, l'excellent Lily Chou-Chou
de Shunji Iwai a remporté le prix du cinéma
d'art et d'essai. Mais pour Miyazaki, il faut savoir que son
cinéma représente ce qu'il y a de plus mainstream,
de plus grand public au Japon. Avec ses 22 millions d'entrées,
Spirited Away confirme le statut de cet immense metteur
en scène, qui a peu de choses à voir avec une
idée de nouvelles images du Japon (il est sur la scène
depuis presque 40 ans), et bien plus avec les grands maîtres,
tels que Akira Kurosawa. Récompenser Miyazaki, normal,
et ceux qui suivent son œuvre ont depuis longtemps compris
que sa force dépasse largement le support de l'animation.
Miyazaki est le lien avec l'autre Japon, celui qui n'est pas
Tokyo.
Enfin, parmi ces films qui restent inédits à
l'étranger, ces réalisateurs toujours inconnus,
il faut citer le cas de Isao Yukisada, jeune trentenaire,
ancien assistant de Shunji Iwai, qui a déjà
4 longs-métrages derrière lui, dont l'excellent
Luxurious Bone, l'histoire d'un triangle amoureux.
Une jeune femme, une sex worker, vit dans un agréable
petit appartement avec une amie co-locataire, un peu plus
jeune, un peu garçonne. L'affection que lui témoigne
cette amie l'aide à respirer'; elle se trouve souvent
prise de malaises hors des moments d'affection, ou de passion
avec ses clients...Celui-ci s'accentue par l'impression d'avoir
une arête d'anguille (l'os qui coûte cher) prise
dans la gorge. Elle avale des verres d'eau, se met le doigt
dans la gorge, rien n'y fait. Puis elle rencontre un nouveau
client qui la sollicite sur son portable. Leur relation se
transforme en un véritable lien, et ce dernier passe
de plus en plus de temps à l'appartement, où
il fait la rencontre de l'autre jeune femme, attirée
à son tour par cet homme. Sans tomber dans le ménage
à 3, la sex worker tolérera un temps l'ambiguïté
de ces relations, après tout elle souhaite que son
amie devienne plus 'féminine' et voit là une
occasion. Mais la peur de perdre ces deux personnes réveille
ses crises d'angoisse et d'asphyxie. Les choses tournent au
drame.
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