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  Luxurious Bone (c) D.R.

Luxurious Bone eût le mérite d'être un succès critique ainsi qu'une réussite dans le circuit art & essai à Tokyo. Il enchaîna sur une commande de la TOEI, GO (qui fut choisi pour représenter le Japon aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger. Malheureusement, il ne figure pas sur la liste définitive des films nominés), une histoire d'amitiés et de rancunes dans le milieu lycéen entre élèves Japonais et ceux de parents Coréens vivant au Japon (l'excellent réalisateur Junji Sakamoto vient de réaliser KT, un autre film plus imposant sur les relations Corée-Japon). Hélas, Yukisada prit un peu la grosse tête et se mit à tourner film sur film ces derniers mois afin de rester visible, une méthode qui ne réussit pas a tous.

Admirateur de Tsai Ming Liang avec lequel il partage certaines idées de mise en scène, Yukisada ne bénéficie pas du même soutien logistique, des mêmes structures de reconnaissance. Tsai peut prendre le temps de travailler sur ses scénarios, ses films circulent de continent en continent, il fait partie du clan des grands auteurs contemporains. Yukisada doit enchaîner les films, faute de pouvoir les promouvoir à l'étranger. Toujours la même question : à quel moment est-ce que le Japon se met a croire a ses cinéastes ? Avant ou après les prix internationaux ?


Wong Kar Waï (c) D.R.

Objectif Cinéma : Parlons un peu de vous avant de discuter de vos films. Vous avez étudié le cinéma ?

Isao Yukisada : Pas vraiment. J'étais entré dans une école qui formait pour la télévision. Je pensais peut-être que ce serait quelque chose comme le système de Hong Kong... Tsui Hark, Wong Kar Wai... je plaisante... non, j'espérais pouvoir apprendre des notions de mise en scène; après 2,3 jours j'ai compris que c’était sans espoir et je suis parti a la recherche de petits boulots sur des tournages cinéma. J'ai tout fait avant d'arriver au poste d'assistant réalisateur. Et vous savez qu'au Japon, il y en a plusieurs, jusqu'à 4 ou 5 assistants...


Objectif Cinéma : Sur quels types de tournage avez-vous atterri ?

Isao Yukisada : A 18 ans, je fus engagé comme chauffeur sur des productions pinku (films X), et 3 mois plus tard, j'étais 4e assistant réalisateur, puis je suis passé aux productions traditionnelles.


Objectif Cinéma : La télévision ne vous intéressait pas du tout ?

Isao Yukisada : Au contraire, le cinéma ne paie pas suffisamment bien au Japon pour qu'on puisse en vivre tout le temps... J'ai commencé à travailler avec la télévision, mais contrairement aux jeunes réalisateurs de ma génération qui souhaitaient travailler sur des émissions ou feuilletons tendance, avec les idoles du moment, je me suis orienté vers les feuilletons plus traditionnels, par exemple ceux qu'on adaptait parfois de scénarios de Ozu. Cela me donna également l'occasion de travailler avec des actrices telles que Haruko Sugimura, une fidèle de Ozu, ou encore la sublime Ayako Wakao, des films de Mizoguchi ou surtout de Masumura. Ce fut une expérience fabuleuse. J'étais cinéphile, et la chaîne TBS me donna l'occasion de me "mesurer" sur le terrain de la direction de comédiens, à de telles actrices.


  Isao Yukisada (c) D.R.

Objectif Cinéma : Ce fut un choc de travailler avec les comédiennes contemporaines du Japon après avoir connu ces expériences ?

Isao Yukisada : Absolument. La plus grande différence tient à la technique, à la prononciation du texte, aux nuances, au nombre de choix que ces vétérans vous proposent, y compris pour une phrase banale. Et si une réplique leur pose un problème, elles l'identifient sur le champ et en parlent avec le réalisateur. Aujourd'hui, plusieurs actrices arrivent avec une attitude toute faite, "leur personnalité, une seule", et elles adaptent le texte à cette attitude. Alors sans tomber le discours du "bon vieux temps", je tente de discuter de la méthode des actrices d'autres générations, afin d'encourager les nouvelles à s'appliquer, et être au même niveau que les actrices occidentales, avec lesquelles elles sont familières.