Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Kaïro (c) D.R.
Objectif Cinéma : Vous leur recommandez de regarder les vieux films ?

Isao Yukisada : Oh oui, mais elle disent décrocher après 30 minutes ! (rires) Alors maintenant, je leur demande de regarder des scènes précises pour observer le jeu d'une actrice, par exemple Mariko Okada (l'épouse de Kiju Yoshida) dans les derniers films d'Ozu.

Objectif-Cinéma : Shunji Iwai disait un peu la même chose au sujet des comédiennes contemporaines et de ce problème de la voix. Je sais que vous avez travaillé avec lui comme assistant réalisateur. Il a dit du bien de vos films.

Isao Yukisada : Vraiment ??


Objectif-Cinéma : Si si, il se réjouissait de la réussite de vos derniers films.

Isao Yukisada : Vous êtes sûr qu'il les a vus ? Moi je me méfie ! (rires)


Objectif-Cinéma : Vous avez dit être cinéphile, ce qui est le cas de plusieurs réalisateurs contemporains au Japon, dont certains furent aussi critiques auparavant. Et vous, avez-vous écrit sur le cinéma ?

Isao Yukisada : Je n'en ai jamais vraiment parlé auparavant, mais lorsque j'étais lycéen, j'écrivais de petites choses pour Kinejunpo (la plus ancienne revue de cinéma au Japon) sous un pseudonyme. À l'époque, je m'en prenais aux critiques dominants au Japon, et cette revue me donnait l'occasion de parler de cinéma. Mais maintenant que j'ai une carrière, que je fais partie d'une génération de réalisateurs, j'évite de trop parler, surtout de tenir des propos sévères. Les réalisateurs sont très sensibles, et si je dis du mal d'un film, ce sera à mon tour, plus tard, d'être la cible. Il vaut mieux qu'on arrive à s'entendre, à se soutenir. Il y a un réalisateur au Japon que j'apprécie peu, mais je ne citerai pas son nom (rires).


  Go de Isao Yukisada(c) D.R.

Objectif-Cinéma : Vous connaissez le couple Straub-Huillet? Jean-Marie Straub au contraire est un réalisateur très direct, qui n'hésite pas à dire du mal d'autres films et des autres réalisateurs, y compris lorsqu'ils sont l'un a côté de l'autre dans le même festival. C'est souvent savoureux. Il est également un immense metteur en scène.

Isao Yukisada : Ah bon ? Incroyable ! Je ne connais pas ses films.


Objectif-Cinéma : Les réalisateurs contemporains du Japon semblent venir de 2 directions : on retrouve le clan Hasumi (critique et professeur de cinéma, président de la Tokyo University), à travers le groupe Kyoshi Kurosawa, Shinji Aoyama, Makoto Shinozaki, et ceux qui firent leurs premières armes dans l'univers du cinéma pinku. Où vous situez-vous au Japon ?

Isao Yukisada : Dans aucun de ces 2 mouvements. Dans le clan Hasumi, qu'on nomme au Japon le clan "parodie", ceux-ci voyaient beaucoup de films, écrivaient, discutaient entre eux, mais ont eu peu d'expérience avec le milieu lui-même du cinéma japonais, avant de passer à la mise en scène et à travailler les uns pour les autres. Dans mon cas, avant de passer à la mise en scène, j'ai eu l'occasion de travailler dans le milieu lui-même avec différents metteurs en scène, dont Shunji Iwai. Ceux-ci m'appelaient directement, de projet en projet. Je ne faisais pas complètement partie de l'équipe, mais c'était l'occasion d'apprendre sur chaque tournage. D'autre part, ces réalisateurs commencèrent dans les années 80, qui fut une période difficile pour le cinéma japonais, et là aussi, j'ai appris comment me battre, défendre un projet, persévérer. Je n'idéalise pas le cinéma, c'est du travail, une façon pour moi de m'exprimer. De même, je ne me situe pas contre les autres réalisateurs japonais. Nous travaillons différemment. Par ailleurs, je dirais que le réalisateur contemporain au Japon qui m'a le plus marqué fut Shinji Somai (mort en 2001). Somai n'avait pas peur de tenter des choses à l'écran, et on voyait concrètement ses réussites et ses échecs, à travers la durée de ses plans : les choses se déroulaient là, sous nos yeux.