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Luxurious Bone (c) D.R.
Objectif Cinéma : Alors l'idée de suggérer quelque chose qui ressemble au temps réel, et que l'on sent dans vos films, c'est délibéré ?

Isao Yukisada : Je parlais de cela récemment avec Tsai Ming Liang, dont j'adore les films. On nous posait des questions et nous avions souvent les mêmes réponses, à savoir qu'il faut laisser du temps et de l'espace pour que les accidents puissent surgir dans le film, laisser une place a l'imprévu. Cependant, nous constations que nous ouvrons le champ au hasard en soignant minutieusement chaque scène, et tous les détails qui la composent. C'est capital chez Somai, même lorsque le résultat semblait abrupt.


Objectif Cinéma : En voyant votre film Luxurious Bone, j'ai en effet pensé a Somai, et à Tsai Ming Liang; l'utilisation du plan-séquence vous rassemble. Cependant, dans le cas du cinéma japonais contemporain, sauf chez ceux qui revendiquent le statut d'auteur, le rythme est nettement plus dynamique que dans vos films, il y a plus de cuts. Le public japonais boude Aoyama, Kurosawa, Suwa... Vous y pensez au public ?

Isao Yukisada
: Non, pas vraiment. Je fais comme je veux. Après Luxurious Bone, réalisé avec des stars, bien qu'il s'agît d'un petit film, j'ai tourné Go, une commande pour Toei, avec l'une des principales idoles masculines. La critique disait que la première heure du film était plutôt commerciale, plus "feuilleton télé", et qu'il devenait un film de Yukisada dans la deuxième partie. Cela dit, je ne pense pas qu'un film existe vraiment sans son public, mais que chaque film vise des publics, des réseaux différents. Luxurious Bone est un petit film indépendant, de même que celui que j'ai tourné après Go, tandis que Go bénéficie du soutien de Toei... Au départ on m'avait bien dit qu'on voulait du divertissement et l'idée de répondre à cette commande m'attirait. Je crois que la durée, les plans - séquences, sont des choses qui m'attirent naturellement, mais je continue de mesurer à quel point je vais les laisser déterminer mon esthétique. Cependant, je cherche toujours à introduire une scène qui signe mes films, et qui fera que spectateurs et critiques reconnaîtront mon travail.


  Masatoshi Nagase (c) D.R.
Objectif Cinéma : Luxurious Bone était conçu dès le départ comme l'histoire d'un triangle amoureux, deux femmes, un homme ?

Isao Yukisada : Au départ, le personnage que joue Masatoshi Nagase (Mysterious Train, Hakuchi, Gojoe, Berlin, Electric Dragon...) est tiré d'une expérience personnelle. J'avais écrit un poème autour de cette histoire que j'avais montré à Nagase, qui m'a conseillé d'en faire un scénario. Ce que j'ai fait. Puis, sans vraiment faire de casting, les gens qui convenaient au film, se sont retrouvés sur le projet. Nous n'avons pas eu de contraintes pour les rôles dans ce film, contrairement à Go qui était tout autre chose. Lorsqu'on travaille ensemble avec des actrices sur un film, elles disent toujours à quel point elles aiment le cinéma, combien elles préfèrent tourner un film plutôt qu'un feuilleton... pourtant, je travaille aussi à la télé, et je ne vois aucune différence, je ne vois pas davantage d'efforts de leur part, que ce soit au cinéma ou la télé. Pour Luxurious Bone, on a eu plus de chance. Mais parfois je suis un peu dur avec les jeunes starlettes ; lorsqu'elles n'ont pas envie de travailler plus fort, je leur demande : alors vous êtes satisfaite de la prise ? puis elles voient à l'écran comme elles sont mauvaises...


Objectif Cinéma : Dans Luxurious Bone, le personnage féminin principal me rappelait l'acteur principal des films de Tsai Ming Liang, des personnages seuls dans une ville à la recherche d'amour, d'affection...

Isao Yukisada : En effet, ils ont des points communs. Nous avons aussi la même façon de discuter avec les comédiens, et cela rejoint ce que je disais plus tôt sur les détails d'une scène. Nous parlons longuement de chaque scène, même si toutes ces informations n'apparaissent pas à l'écran, elles aident le personnage. Et on voit au montage si elles étaient nécessaires ou pas. Et bien sûr je crois qu'il y a de nombreuses similitudes entre Taipei et Tokyo.