SIMON AVAIT BESOIN
DE TOURMENTER LE MONDE POUR LE REMETTRE EN QUESTION
Manuel Sanchez naît
le 9 janvier 1958 à Nevers. Après un DEUG de
Lettres et de Psychologie, il suit des études de cinéma
au Conservatoire Libre du Cinéma Français. De
1980 à 1982, il séjourne en Colombie où
il effectue divers reportages et travaille pour la télévision.
De 1985 à 1987, il est Assistant Monteur avant de se
lancer dans la production de courts et de longs métrages.
Réalisateur du dernier film de Simon de la Brosse,
Les Arcandiers (1991), il se souvient et témoigne
après la disparition de l’acteur.
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Objectif
Cinéma : Comment
aviez-vous découvert Simon de la Brosse ?
Manuel Sanchez : En tant
qu’acteur, je l’avais remarqué dans Pauline à
la plage, et j’avais été touché par
le film. Puis je l’ai rencontré quand j’ai été
assistant de Tachella au montage du film Travelling Avant,
et nous avons sympathisé. Simon était un garçon
qui regardait énormément autour de lui. Je crois
que j’ai été saisi par son regard, et j’avais
besoin de ce regard-là quand je l’ai contacté
pour le casting des Arcandiers. Cela en a surpris plus
d’un car il était plutôt associé à
une image lisse de beau garçon de bonne famille, et
je lui proposais un rôle dans la gadoue. Ce n’était
pas un effet de snobisme que de le prendre à contre-pied,
mais j’avais pu remarquer lors de nos premières rencontres
qu’il n’était pas le bon garçon qu’on pouvait
croire, qu’il avait aussi son côté voyou, un
côté mauvais garçon qui m’intéressait
chez lui, et puis surtout son regard qui balayait le monde,
un regard impitoyable et très aiguisé qui laissait
passer de l’inquiétude, puisque le monde l’inquiétait,
à mon avis à juste titre. Son regard rejoignait
l’axe du film que je lui proposais, et cet axe, c’était
l’inquiétude.
Objectif Cinéma :
Dans quelle mesure le monde l’inquiétait-il ?
Manuel Sanchez : Simon
était un garçon insatisfait, blessé par
les horreurs du monde, et il ne voulait pas seulement construire
une carrière, il lui fallait autre chose, une dimension
idéaliste, mais lucide. Il n’était pas dans
la béatitude, ce n’était pas un idéalisme
idéologique, c’était un idéalisme de
l’ange, il y avait quelque chose qui l’avait déçu
dans ce monde et il traînait cette déception
avec lui. Une déception mais surtout une volonté
de construire quelque chose en dehors des schémas conventionnels,
préétablis, il n’était pas quelqu’un
qui cherche à rendre le monde paisible, il ressentait
le besoin de tourmenter le monde pour le remettre en question.
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Objectif
Cinéma : Quel acteur
était-il ?
Manuel Sanchez : Il était
un provocateur, il nous cherchait dans nos habitudes de pensées,
nos habitudes d’existence, il voulait déranger, mais
pas déranger pour se faire remarquer, il voulait déranger
pour nous faire remarquer que le monde ne tournait pas aussi
rond qu’on le pensait. Il nous obligeait à nous arrêter
et à nous remettre en question, à regarder le
monde dans ce qu’il a de beau et de laid en même temps.
Il était à la fois spectateur de la beauté
et de la laideur du monde.
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