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Manuel Sanchez (c) D.R. MANUEL SANCHEZ
A propos de Simon de la Brosse
Entretien réalisé le 17 Mai 1999
à Charleville-Mézières
Par Richard DALLA ROSA


SIMON AVAIT BESOIN DE TOURMENTER LE MONDE POUR LE REMETTRE EN QUESTION

Manuel Sanchez naît le 9 janvier 1958 à Nevers. Après un DEUG de Lettres et de Psychologie, il suit des études de cinéma au Conservatoire Libre du Cinéma Français. De 1980 à 1982, il séjourne en Colombie où il effectue divers reportages et travaille pour la télévision. De 1985 à 1987, il est Assistant Monteur avant de se lancer dans la production de courts et de longs métrages. Réalisateur du dernier film de Simon de la Brosse, Les Arcandiers (1991), il se souvient et témoigne après la disparition de l’acteur.



  Pauline de la plage (c) D.R.

Objectif Cinéma : Comment aviez-vous découvert Simon de la Brosse ?

Manuel Sanchez : En tant qu’acteur, je l’avais remarqué dans Pauline à la plage, et j’avais été touché par le film. Puis je l’ai rencontré quand j’ai été assistant de Tachella au montage du film Travelling Avant, et nous avons sympathisé. Simon était un garçon qui regardait énormément autour de lui. Je crois que j’ai été saisi par son regard, et j’avais besoin de ce regard-là quand je l’ai contacté pour le casting des Arcandiers. Cela en a surpris plus d’un car il était plutôt associé à une image lisse de beau garçon de bonne famille, et je lui proposais un rôle dans la gadoue. Ce n’était pas un effet de snobisme que de le prendre à contre-pied, mais j’avais pu remarquer lors de nos premières rencontres qu’il n’était pas le bon garçon qu’on pouvait croire, qu’il avait aussi son côté voyou, un côté mauvais garçon qui m’intéressait chez lui, et puis surtout son regard qui balayait le monde, un regard impitoyable et très aiguisé qui laissait passer de l’inquiétude, puisque le monde l’inquiétait, à mon avis à juste titre. Son regard rejoignait l’axe du film que je lui proposais, et cet axe, c’était l’inquiétude.


Objectif Cinéma : Dans quelle mesure le monde l’inquiétait-il ?

Manuel Sanchez : Simon était un garçon insatisfait, blessé par les horreurs du monde, et il ne voulait pas seulement construire une carrière, il lui fallait autre chose, une dimension idéaliste, mais lucide. Il n’était pas dans la béatitude, ce n’était pas un idéalisme idéologique, c’était un idéalisme de l’ange, il y avait quelque chose qui l’avait déçu dans ce monde et il traînait cette déception avec lui. Une déception mais surtout une volonté de construire quelque chose en dehors des schémas conventionnels, préétablis, il n’était pas quelqu’un qui cherche à rendre le monde paisible, il ressentait le besoin de tourmenter le monde pour le remettre en question.


Simon de la Brosse (c) D.R.

Objectif Cinéma : Quel acteur était-il ?

Manuel Sanchez : Il était un provocateur, il nous cherchait dans nos habitudes de pensées, nos habitudes d’existence, il voulait déranger, mais pas déranger pour se faire remarquer, il voulait déranger pour nous faire remarquer que le monde ne tournait pas aussi rond qu’on le pensait. Il nous obligeait à nous arrêter et à nous remettre en question, à regarder le monde dans ce qu’il a de beau et de laid en même temps. Il était à la fois spectateur de la beauté et de la laideur du monde.