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Objectif
Cinéma : Comment
cela se manifestait-il sur le tournage des Arcandiers ?
Manuel Sanchez :
C’était continuellement des questions. Le personnage
de Tonio, il le vivait comme un personnage d’inquiétude,
il tenait à braver l’adversité, et à
se poser la question " Vais-je y arriver ? ",
et " Où est-ce qu’on arrive ? ",
finalement... " Quel est l’enjeu de toute cette
souffrance ? ". Et je pense que ça faisait
écho à sa propre souffrance... " Qu’est-ce
qui vaut un tel effort sur soi pour continuer à avancer ? ",
" Quelles sont les étincelles de lueurs qui
sont suffisamment intéressantes pour chaque jour se
dire je me lève ? ". Et
ce n’est pas toujours évident de répondre et
de trouver des éléments positifs pour se lever
et continuer à faire ce métier. Il était
loin de l’acteur superficiel, il ne voulait pas qu’on se serve
de lui seulement comme d’une image. C’était un garçon
cultivé qui avait pris le temps de lire.
Objectif Cinéma :
Pouvez-vous nous citer une de ses
particularités ?
Manuel Sanchez : Il
était en effet capable de côtoyer des gens qui
n’appartenaient pas à son univers. Je me souviens d’une
anecdote sur le tournage du film... Un jour, Simon avait disparu.
Il était parti avec un gars boire du vin dans une cave
de l’Anjou. Et c’était un brave gars des bords de Loire...
Simon avait vécu une parenthèse... Il était
lui-même une parenthèse, il s’y abritait. Il
ne voulait pas simplement construire une belle phrase, il
aimait bien l’arrêter à un moment donné
et construire quelque chose en parallèle.
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Objectif
Cinéma : En parlant
de phrases, saviez-vous qu’il écrivait des textes poétiques ?
Manuel Sanchez : Non,
je l’ai appris juste après sa disparition, et j’ai
été franchement touché par la beauté
de ses textes... Comme je m’intéressais à Rimbaud,
j’avais été surpris par leur fraternité
littéraire, on est dans le même registre, d’illuminations,
de déstructuration... On avait parlé de Rimbaud
lors d’un festival en Belgique, et il connaissait bien cet
auteur... Il s’intéressait beaucoup à la poésie,
il s’intéressait également au théâtre,
à la musique...
Objectif Cinéma :
Simon était bien plus que l’image lisse du jeune acteur
promis au succès...
Manuel Sanchez : C’est
ce qu’il aurait pu devenir, mais c’est ce qu’il n’a pas voulu
devenir parce qu’il n’était pas construit pour ça,
il était davantage dans la vie avec sa rugosité
que dans une espèce d’image glamour... Il était
capable de jouer, mais incapable de tricher. Quand il était
mal, il était mal.
Objectif Cinéma :
Quel est le meilleur souvenir que
vous gardez de lui ?
Manuel Sanchez : J’aimais
son rire. J’en ai parlé avec Jean-François Balmer,
qui est l’une des dernières personnes à l’avoir
vu rire. Son rire était populaire, franc, il se lâchait
complètement, il partait même dans des fous rires
parfois, entre les scènes de tournage... C’était
des éclats... Il riait aussi avec les yeux, dans la
complicité qu’il pouvait offrir. Il avait un œil, c’était
du 24 images/seconde, il possédait une intensité
dans le regard...
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