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Objectif
Cinéma : On pense
alors à ce qu’il dit lui-même du travail d’acteur,
notamment dans le reportage tourné par Willy Pierre,
où il déclare que l’acteur est un regard...
Regarder, sentir, agir sur le néant, sur le chaos...
Il savait ce qu’il faisait, savourait son métier, et
se connaissait très bien, finalement ?
Manuel Sanchez : Oui,
il se connaissait très bien. Il était un garçon
qui avait énormément réfléchi,
et qui ne pouvait pas toujours partager son expérience
intime du monde... Il avait besoin d’un climat de confiance
immense, et il suffisait d’une personne adverse pour qu’il
se referme sur lui-même... Il avait besoin de se défendre
contre certains ennemis, qui étaient généralement
le comble de la vulgarité et du calcul... Il ne faisait
aucun effort pour aller vers ceux qu’il n’appréciait
pas. Il pouvait être très spontané et
très intransigeant, c’était " Je t’aime "
ou " Je ne t’aime pas ". Il n’était
pas quelqu’un qui calculait, et il y avait beaucoup d’éléments
qui l’effrayaient dans ce métier...
Objectif Cinéma :
Son intégrité est le
meilleur souvenir qu’on puisse conserver de lui... Mais quand
on arrive au bout de sa vie, n’est-ce pas parce qu’on en a
fait le tour et qu’on se connaît totalement ? Son
ultime don peut-il se résumer à un formidable
clin d’œil ?
Manuel Sanchez : Il avait
tellement fait le tour du monde en tant que spectateur silencieux
qu’il ne pouvait jamais être tragique. Il restait dans
une dimension de comédie, il y avait toujours un rire
qui attendait... Il était spectateur de lui et savait
rire de lui-même... pour lui la vie devait être
une sorte de spectacle mal organisé, pas forcément
intéressant... Il n’était jamais totalement
dedans, il était à côté. Il était
à côté de nous, pas avec nous. Il n’avait
pas de complaisance sociale. A côté, mais pas
avec. S’il avait envie de te dire merde, il te disait merde.
Sa distance lui donnait une lucidité, une clairvoyance...
Il a eu le temps de voir, à mon avis.
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Objectif
Cinéma : C’est
un paradoxe intéressant : un acteur est vu, mais
lui, il préférait voir.
Manuel Sanchez : Il voulait
montrer aux autres qu’il voyait. Il aurait pu faire de la
mise en scène, et cela demande beaucoup d’efforts...
On sentait souvent qu’il pensait " Est-ce que tous
ces efforts valent vraiment la peine ? ". Je
ne sais pas, je ne peux pas l’affirmer à sa place...
mais on sentait qu’il pouvait reconstruire un regard, communiquer
quelque chose. Et il était imprévisible... Ce
n’était pas quelqu’un qui cachetonnait, il ne se contentait
pas de bien dire son texte pour faire plaisir simplement,
il sortait de la mécanique de l’acteur, c’était
tout le contraire de quelqu’un qui est mécanisé.
On est dans une espèce d’aventure avec lui, et à
chaque fois, à chaque prise, on repart à zéro...
Et puis il en sortait ce qu’il en sortait, mais son optique
était " Je tente une expérience ".
Il était dans l’expérience.
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1991
Les Arcandiers avec Simon de La Brosse, Dominique
Pinon
1987
Grain de ciel avec Paul Disciglia, Christophe
Waiss
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