Objectif Cinéma
: Qu’avez-vous réalisé
avant Frontières ? Quel a été
votre parcours avant d’arriver au cinéma ?
Mostéfa Djadjam
: J’ai fait le conservatoire d’art dramatique d’Oran. Je suis
arrivé en France à l’âge de 17 ans et
demi, il y a une trentaine d’années. En arrivant en
France, j’ai passé mon bac, puis, après des
études universitaires classiques, je me suis très
vite dirigé vers la sculpture, puis mon intérêt
s’est porté sur le théâtre et le cinéma.
J’ai co-écrit une dizaine de scénarios de longs
métrages, qui n’ont pas tous abouti… Certains ce sont
arrêtés à mi-parcours. J’ai, entre autres,
co-écrit avec Werner Schroeter une fiction documentaire
intitulée la répétition générale.
Puis je suis passé à la réalisation de
courts métrages et de documentaires, sur des désirs
et des pulsions, à chaque fois que je sentais que j’avais
quelque chose à dire.
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Objectif Cinéma
: J’ai lu dans le dossier de
presse du film que vous aviez également travaillé
avec Pierre Guyotat…
Mostéfa Djadjam
: Oui sur une pièce intitulée Bivouac,
qui réunissait trois monologues. Je jouais un des monologues…
Mais j’ai eu une relation assez longue avec Guyotat, et j’ai
pu commencer dès 1980 à faire un documentaire
sur son travail, sur l’adaptation de son écriture au
théâtre. J’ai donc en ma possession cinq heures
de rushes que je compte peut-être monter un jour.
Objectif Cinéma
: On entend parfois dire qu’un
premier long-métrage est un cri. Mais votre film n’a
pas le caractère abrupt et spontané du cri.
On a l’impression que c’est un projet qui existait depuis
longtemps. Quand et comment est né ce projet ?
Mostéfa Djadjam
: J’avais des choses à dire. C’est un projet
qui me tenait à cœur et qui est antérieur à
" l’affaire " des sans-papiers de l’église
St Bernard. Disons que cette affaire a popularisé le
sujet en montrant quelque chose de révoltant. Mais
j’ai écrit le synopsis de Frontières
vers 1995, et l’écriture a été assez
lente.
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Objectif Cinéma
: Vos personnages de clandestins
ne sont pas à proprement parler des bannis ni des réfugiés…
Ils tentent leur chance par ambition, pour atteindre un idéal.
Ont-ils été conçus de cette manière
afin de mieux les rapprocher du spectateur occidental ?
Mostéfa Djadjam
: Non, pas vraiment. Le film s’est fait en réaction
au traitement médiatique de la question des clandestins.
On les a décrits comme une génération
spontanée, un alignement de chiffres et de statistiques
qui niait l’humain, mais ce qui apparaissait en filigrane,
c’était le danger potentiel que les clandestins représentaient.
Je ne voulais pas faire un film sur un groupe de victimes,
mais sur des êtres libres, maîtres de leur destin,
qui ne méconnaissent pas les dangers auxquels ils s’exposent.
J’ai cherché une profondeur continentale en les suivant
à partir du Sénégal. Mais j’aurais aimé
les faire partir d’encore plus loin, ce qui n’a pas été
possible pour des raisons budgétaires. Je voulais décrire
cette humanité, en marche avec toutes les contradictions
dans lesquelles se débat l’humain où qu’il soit,
et montrer que l’exil est un choix dur, terriblement pénible
et très personnel.
Mais le misérabilisme ne m’intéressait pas.
Il y en a d’autres qui font ça mieux que moi. Moi j’ai
voulu faire un film à hauteur d’humain.
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