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Frontières (c) D.R. MOSTEFA DJADJAM
Réalisateur
Entretien réalisé le 20 mars 2002
Par Nicolas DESPRES



A propos de la sortie de son film Frontières.

Objectif Cinéma : Qu’avez-vous réalisé avant Frontières ? Quel a été votre parcours avant d’arriver au cinéma ?

Mostéfa Djadjam : J’ai fait le conservatoire d’art dramatique d’Oran. Je suis arrivé en France à l’âge de 17 ans et demi, il y a une trentaine d’années. En arrivant en France, j’ai passé mon bac, puis, après des études universitaires classiques, je me suis très vite dirigé vers la sculpture, puis mon intérêt s’est porté sur le théâtre et le cinéma.

J’ai co-écrit une dizaine de scénarios de longs métrages, qui n’ont pas tous abouti… Certains ce sont arrêtés à mi-parcours. J’ai, entre autres, co-écrit avec Werner Schroeter une fiction documentaire intitulée la répétition générale. Puis je suis passé à la réalisation de courts métrages et de documentaires, sur des désirs et des pulsions, à chaque fois que je sentais que j’avais quelque chose à dire.


  Schroeter (c) D.R.

Objectif Cinéma : J’ai lu dans le dossier de presse du film que vous aviez également travaillé avec Pierre Guyotat…

Mostéfa Djadjam : Oui sur une pièce intitulée Bivouac, qui réunissait trois monologues. Je jouais un des monologues… Mais j’ai eu une relation assez longue avec Guyotat, et j’ai pu commencer dès 1980 à faire un documentaire sur son travail, sur l’adaptation de son écriture au théâtre. J’ai donc en ma possession cinq heures de rushes que je compte peut-être monter un jour.


Objectif Cinéma : On entend parfois dire qu’un premier long-métrage est un cri. Mais votre film n’a pas le caractère abrupt et spontané du cri. On a l’impression que c’est un projet qui existait depuis longtemps. Quand et comment est né ce projet ?

Mostéfa Djadjam : J’avais des choses à dire. C’est un projet qui me tenait à cœur et qui est antérieur à " l’affaire " des sans-papiers de l’église St Bernard. Disons que cette affaire a popularisé le sujet en montrant quelque chose de révoltant. Mais j’ai écrit le synopsis de Frontières vers 1995, et l’écriture a été assez lente.


Frontière (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vos personnages de clandestins ne sont pas à proprement parler des bannis ni des réfugiés… Ils tentent leur chance par ambition, pour atteindre un idéal. Ont-ils été conçus de cette manière afin de mieux les rapprocher du spectateur occidental ?

Mostéfa Djadjam : Non, pas vraiment. Le film s’est fait en réaction au traitement médiatique de la question des clandestins. On les a décrits comme une génération spontanée, un alignement de chiffres et de statistiques qui niait l’humain, mais ce qui apparaissait en filigrane, c’était le danger potentiel que les clandestins représentaient. Je ne voulais pas faire un film sur un groupe de victimes, mais sur des êtres libres, maîtres de leur destin, qui ne méconnaissent pas les dangers auxquels ils s’exposent. J’ai cherché une profondeur continentale en les suivant à partir du Sénégal. Mais j’aurais aimé les faire partir d’encore plus loin, ce qui n’a pas été possible pour des raisons budgétaires. Je voulais décrire cette humanité, en marche avec toutes les contradictions dans lesquelles se débat l’humain où qu’il soit, et montrer que l’exil est un choix dur, terriblement pénible et très personnel.

Mais le misérabilisme ne m’intéressait pas. Il y en a d’autres qui font ça mieux que moi. Moi j’ai voulu faire un film à hauteur d’humain.