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Masato Harada (c) D.R. MASATO HARADA
Réalisateur
Entretien réalisé le 25 mars 2002
au Fest. du Film Fantastique de Bruxelles
Par Yves GAILLARD
Merci à Robin GATTO et Thibaut DOPCHIE


Ayant étudié en Europe et débuté sa carrière cinématographique aux Etats-Unis (où il rencontre son maître en cinéma, Howard Hawks), Masato Harada poursuit depuis une dizaine d’années un parcours atypique au sein du cinéma japonais : il est parfois considéré comme le "plus américain des cinéastes japonais  contemporains". Au-delà de la formule, Harada définit lui-même son regard sur la société japonaise contemporaine comme celui d’un " outsider " : apte à en révéler les injustices et les défauts. Ce n’est pas par hasard s’il cite Hawks, ou Fuller dans cet entretien. Comme eux, la mythologie de " l’outsider ", qui révèle par son regard extérieur les problèmes d’une communauté, invisibles ou refoulées pour ceux qui la constituent, parcourt son œuvre.

On peut parler d’une " méthode " Harada. Ses films (Kamikaze Taxi, Bounce-Ko Gals…) s’inscrivent de prime abord dans le " film à thèse ", évoquant un " problème " de la société japonaise : ainsi Kamikaze Taxi aborde la question du racisme subit par les émigrés sud-américains d’origine japonaise, et Bounce Ko-Gals de l’émergence de la prostitution des lycéennes et de la pédophilie.

De ces postulats " engagés ", auquel on le réduit (il s’en plaint lui-même), Harada construit des films hétérogènes, dans la plus grande impureté des influences, mais toujours sur le modèle de la rencontre et du voyage.

  Kamikaze Taxi (c) D.R.

Le voyage ici n’est pas une découverte des " réalités de la vie ", comme dans le récit initiatique (ses personnages sont au contraire englués, au départ, dans le réel), mais plutôt un acte auto-reflexif, dans lequel puiser le courage nécessaire pour agir. (Mais) La réflexion sur soi, nous montre les films de Harada, n’est possible que dans la rencontre avec l’Autre, car c’est à travers l’Autre que ses personnages se révèlent à eux-mêmes. L’Autre apporte son aide, son amitié, son amour. Et même si au dernier instant, le personnage est seul avec son choix et ces conséquences, il n’agit plus seulement pour lui-même mais aussi au nom de l’Autre.

Les films de Harada se construisent aussi aux confluents des genres : Kamikaze Taxi, sans doute le plus impur de tous, est à la fois un film de yakusa, un polar, un road-movie, un film politique…

Car s’il y a une idée-maîtresse chez Harada, c’est bien celle de la nécessité de la plus grande impureté, de la plus grande ouverture possible sur le monde et ses différences. Cette expression du refus de toute forme de catégorisation, tant esthétique que sociale, se traduit dans ses films par une attention intense pour les personnages secondaires. Même la rencontre la plus fugitive, ou la plus inquiétante, participe à un enrichissement de l’appréhension du réel.

Dès lors, les ennemis désignés par Harada sont les auto-proclamés gardiens de la tradition et de l’autorité : chefs yakusa, chefs de famille, politiciens ultra conservateurs. Le risque, que Harada n’évite pas toujours, est alors celui d’une classification schématique, de cause à effet, (propre au " film à thèse " et au cinéma académique).