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Inugami (c) D.R.
Dans son avant-dernier film, Inugami (2001), Harada inscrit ses préoccupations sociales dans le champ du fantastique : la qualité quasi onirique de son travail y gagne en netteté et en puissance. Fable à mi-chemin de la tragédie occidentale et du folklore japonais, empreinte de réminiscences du chef d’oeuvre de l’impureté qu’est 7 Women de John Ford, Inugami est un film bouleversant, sans doute le plus beau de son réalisateur.

Dès lors, son prochain film, The Choice of Hercules, s’annonce comme un film très attendu. En s’inspirant de " l’Evènement d’Asama ", le fait divers le plus célèbre des années 70, Masato Harada revient sur un événement fondateur de la société japonaise contemporaine : le siège, par une armée de policiers, de terroristes preneurs d’otage. En retournant au drame fondateur, Harada va à contre-courant d’un certain cinéma naturaliste du " post-traumatisme ", exemplifiée par Distance de Hirokazu Kore-Eda, comme il l’explique dans cet entretien.

C’est cette croyance en la puissance du réalisme comme opérateur de vérités qui fait de Masato Harada un cinéaste précieux.



Objectif Cinéma : Etes-vous parti d’un lieu précis pour élaborer votre projet, Inugami ?

Masato Harada : Pour ce film (adapté d’un roman de Masako Bando-ndlr), le point de départ était ma curiosité pour cette fabrique de papier, au milieu de nulle part, en pleine forêt. En effet, pour obtenir du papier de bonne qualité, la qualité de l’eau et de la pâte de bois est capitale, mais les environnements adéquats sont limités. Le livre, qui prend place dans la région de Tosa, reconnue pour la beauté de ses papiers, me permettait d’explorer ce type d’environnement.

D’autre part, le livre décrit la lutte des sexes en faisant de la famille Bonomyia une sorte de métaphore de la société japonaise dans son ensemble.

Il faut savoir que les partis dominants japonais sont contrôlés par les hommes : les femmes y sont encore minoritaires. Les choses évoluent un peu, car il y a aujourd’hui des femmes extrêmement combatives et créatives. Mais ces hommes peuvent bloquer ce processus, et tenter d’éliminer ces " guerrières " (1). C’est une évolution lente, à tous les niveaux de la société. Dans Inugami, chaque personnage féminin incarne ainsi une certaine attitude des femmes japonaises. Tout au long du film, l’héroïne tente de créer un papier constitué de sept essences différentes ; dans ces essences, vous voyez les sept femmes de la famille Bonomyia s’unissant pour combattre le système. Mais en réalité, Miki est seule, les autres femmes ne lui apportent aucun soutien.


  Inugami (c) D.R.

Objectif Cinéma : Ces personnages de femmes indépendantes évoquent Imamura.

Masato Harada : Oui, des femmes très actives, très fortes physiquement. Imamura réussissait très bien à créer ces personnages fascinants…Avant.


Objectif Cinéma : Vous reconnaissez-vous des influences dans le cinéma japonais ?

Masato Harada : Akira Kurosawa était mon mentor ; je l’ai rencontré plusieurs fois, nous avons même écrit un livre ensemble (2). Quant à Imamura, j’ai toujours été fasciné par la Femme-Insecte et Désir Meurtrier, ses films des années 60. J’aime beaucoup son approche énergique des plus basses classes de la structure sociale, son intérêt pour les " cols bleus ", hommes et femmes. Je suis aussi intéressé par Fukasaku, Kudo Eiichi (3)… Et en particuliers Kato Tai (4) et Kon Ichikawa (5) : ces grands cinéastes japonais m’ont toujours fasciné.


Objectif Cinéma : On pense à Ichikawa dans Inugami, notamment pour la séquence de l’arbre creux qui juxtapose deux réalités, passées et présentes…

Masato Harada : Je ne pensais pas particulièrement à Ichikawa dans cette séquence, mais c’est vrai qu’il employait beaucoup ce type de techniques, où deux temporalités, deux espaces se juxtaposent en une seule image. Un peu comme dans One From The Heart, de Francis Ford Coppola, et l’utilisation qu’il fait du blue-screen et de la fragmentation de l'image. Ichikawa était une sorte de magicien pour cela, et c’est cette forme de magie du cinéma qui me fascine : c’est ce que je voulais réaliser dans Inugami.