Thomas Salvador : Certains
vont aussi s’enthousiasmer pour un détail, même
s’il n’est pas mis en valeur. Qu’importe, il se trouve dans
le film, dans le son, ou à l’image ! C’est ce qui compte !
Ensuite on fait l’effort de le chercher dans le plan, ou non.
J’espère qu’à l’avenir, je le ferais de manière
plus travaillée, plus maîtrisée, pour
que tout le monde le remarque sans avoir pour autant à
l’imposer. Je ne tends pas vers l’ésotérisme,
cela ne m’intéresse pas.
Par contre, et ce n’est pas contradictoire, la pédagogie
représente quelque chose de très important pour
moi, mais pas à l’intérieur des films... J’ai
animé pour la première fois cette année
des ateliers vidéo avec des élèves et
ça m’a passionné ! J’en ferai très
certainement d’autres.
Objectif Cinéma : Tu
y as montré tes propres films ?
Thomas Salvador : Non,
car j’ai du mal à montrer mes films en K7 vidéo.
Par contre, le film a été vu par des lycéens
au festival de Belfort qui se sont bien marrés, notamment
lors de cette scènede Là ce jour
dont on vient de parler, où le jeune homme mêle
son lacet à un brin d’herbe. Les gens s’interdisent
le plus souvent de rire parce que la mise en scène
ne souligne pas le gag. Le plan est mis en scène de
manière très sérieuse, méthodique.
A Belfort, les lycéens ont vu l’essentiel et ne se
sont pas empêchés de rire quand ils ont vu, après
un plan d’une minute où un jeune homme monte tranquillement
une pente, un gros plan où il mêle de manière
très naturelle son lacet à un grand brin d’herbe
à l'endroit où le gazon est très ras !
Objectif Cinéma : Les
lycéens sont plus aptes à remarquer des choses
que ne voient pas les adultes ?
Thomas Salvador : Les adultes
sont plus habitués aux codes de narration et se retiennent
souvent de réagir quand il leur manque le mode d’emploi
leur expliquant s’ils doivent rire ou pleurer. Je propose
quelque chose, c'est aux spectateurs de prendre ou de laisser.
Je ne demande pas à tout le monde d’être intéressé
par les mêmes choses, mais que chacun au contraire se
sente libre.
Je peux donner l’impression d’avoir un discours théorique
sur mes films, alors qu’en fait, je suis peu à l’aise
pour parler du dernier. Quant au prochain, il est écrit
mais je ne sais toujours pas de quoi il parle ! Je sais
que dans deux ans, j’en saurai plus à son sujet.
Aujourd’hui, en ce qui concerne
Une rue dans sa longueur, je suis très à
l’aise pour répondre à des questions que je
ne me posais même pas à l’époque du tournage !
J’avais alors une approche très simple, très
directe. J’avais juste l’idée d’un film en trois séquences
avec trois hommes et un jeune homme. Pour la première
séquence, je voulais une leçon concrète
avec mon père comme acteur. La deuxième était
une façon de parler de politique et d’éducation
en faisant s’exprimer une sorte de maître en activisme
floral ou terrorisme botanique, comme on veut. Puis j’imaginais
quelque chose de plus calme et de seulement gestuel dans la
troisième. Je ne pensais même pas à la
propre évolution du jeune homme dans ce parcours.
Des gens décèlent souvent des symboles, mais
un film, pour moi, c’est une succession d’actions, de gestes,
une cascade de trucs très concrets - j’utilise souvent
cet adjectif parce qu’il est primordial dans mon travail.
Je ne pense pratiquement qu’aux informations objectives que
propose le plan, mais jamais en termes d’allégorie
ou de symbole.
Je sais de quoi seront faits mes prochains films, ils s’inscrivent
dans la continuité de ce que j’ai amorcé et
m’échappent sans m’échapper tout à fait.
Objectif Cinéma :
Le spectateur peut rêver ton film.
Thomas Salvador : Il ne se
prive pas de le faire ! Certains rajoutent des plans.
Dans Une rue dans sa longueur, des gens me parlent
des très beaux plans de mains sur les machines alors
qu’il n’y en a aucun en réalité ! Il n’y a pas
deux personnes qui ont le même rapport au film en raison
de la relation particulière qui s'instaure entre lui
et le spectateur. C’est pourquoi on me parle souvent de films
différents, bien qu’il s’agisse du même...