Cinélycée :
Les cinéastes français vous ont-ils influencé ?
Brian de Palma :
Tôt
dans ma carrière, j’ai été influencé
par la Nouvelle Vague française, et particulièrement
par Godard : la manière qu’il avait de descendre
dans la rue, et de faire des films politiques sur ce qui se
passait à cette période dans sa vie, et à
Paris. J’ai fait à peu près la même chose
dans mes premiers films à New York.
Cinélycée :
Godard a dit : " le
cinéma c’est la vérité 24 fois par seconde " :
vous avez dit le contraire.
Brian de Palma :
Quand on fait un film, on ment tout le temps, on réarrange
la vérité en fonction de la vérité
qu’on veut raconter. Raconter la vérité équivaut
en quelque sorte à faire une fiction à partir
de choses qui ont l’air vrai.
Cinélycée :
Vous considérez-vous comme
un manipulateur ?
Brian de Palma :
N’importe quel artiste crée quelque chose qui implique
les émotions des gens, un univers dans lequel on a
envie de rentrer et qui nous fait éprouver des sentiments….Je
ne vois pas en quoi c’est particulièrement de la manipulation.
Si c’est intéressant, on reste, sinon on s’en va.
Cinélycée :
Des réalisateurs que vous fréquentez,
comme Spielberg , Lucas, Coppola, Scorsese ont choisi deux
voies différentes. Les deux premiers ont choisi de
réaliser des films " commerciaux "
alors que Scorsese et Coppola sont restés indépendants.
Comment vous situez-vous par rapport à eux ?
Brian de Palma :
Je suis un peu entre les deux. J’ai fait des films personnels
avec un budget réduit, et je fais aussi des blockbusters
si je trouve quelque chose qui m’intéresse assez dans
ce genre. Il faut faire des films commerciaux pour pouvoir
continuer à tourner. Si je m’intéresse à
la forme visuelle, je peux être très heureux
de faire des films comme les Incorruptibles, Scarface
ou Mission : Impossible, même s’il s’agit
de genres très conventionnels.
Cinélycée :
Qu’on aime ou pas vos films, il y
a toujours dix ou vingt minutes inoubliables. (la scène
du bal dans Carrie, la scène des escaliers dans
les Incorruptibles, et l’ouverture de Snake Eyes
par exemple) .Est-ce que la virtuosité de ces scènes
est indispensable pour la cohérence du film ?
Ou bien ne sont-elles là que pour le plaisir du spectateur ?
Brian de Palma :
C’est l’essence même de ce que j’essaye de faire dans
mes films. Je suis une sorte de " styliste visuel ",
j’essaye de raconter des histoires avec des images ;
si ces histoires et ces scènes sont si mémorables,
c’est parce qu’elles se connectent à vous d’une manière
visuelle directe, et qu’elles perdurent dans votre esprit
longtemps après que vous ayez vu le film.
Cinélycée :
La violence au cinéma ne semble pas vous déranger.
Que pensez-vous de votre position ?
Brian de Palma :
C’est un faux problème aujourd’hui. Je ne crois pas
que les films soient violents de la même manière
qu’ils l’étaient quand j’ai commencé dans les
60-70. Nous avons un système de censure très
répressif, si le film est estimé trop violent,
il sera limité dans sa distribution. Il n’y a plus
vraiment autant de violence aujourd’hui dans le cinéma.