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Objectif
Cinéma : Avec Caroline
Ducey, vous dîtes dans le dossier de presse, avoir travaillé
les scènes avec de la musique…
Alain Raoust : Caroline
est quelqu’un de très physique. Si je lui dis " tu
vois, là, l’eau de ce ruisseau est à dix degrés,
tu ne veux pas aller te baigner ? ", elle est
capable de le faire, et ce sera plus efficace que de lui dire
" tu vois cette réplique, il faudrait la
jouer plus comme ça… ". Si elle se jette
dans l’eau froide, elle saura jouer la réplique en
en sortant. Cela veut dire aller à la recherche de
choses physiques. Naturellement, la musique va dans ce sens,
c’est quelque chose d’immédiat et d’instantané.
Pour chaque séquence, j’avais rédigé
des choix de morceaux musicaux. Je lui en faisais écouter
plusieurs, selon ce que je cherchais à attraper, et
ça marchait très bien. Surtout les Stooges qui
donnait une énergie très folle…
Objectif Cinéma : La
chanson passait pendant les répétitions ?
Alain Raoust : Cinq minutes
avant le tournage. On avait tout mis en place, on avait répété,
et avant le moteur, je proposais à Caroline d’écouter
un morceau intégralement : il se passait alors
immédiatement quelque chose.
Objectif Cinéma : Et
par exemple, la chanson d’Iggy Pop, I wanna be your dog,
à quel moment la passiez-vous ?
Alain Raoust : C’est une chanson
qu’elle écoutait tout le temps. Elle volait le disque !
Je lui passais les disques le temps du maquillage pour qu’elle
écoute et avant le tournage de la séquence,
elle écoutait un morceau que j’avais choisi. Pour les
Stooges, elle avait réussi à piquer le disque,
elle l’écoutait dans sa chambre, etc.
Mais ça faisait partie aussi de l’idée qu’elle
s’approprie les choses… On avait aussi la chance d’avoir la
musique du film de Pascal Humbert, le bassiste des 16 Horsepower…
Caroline est très sensible aussi à la voix d’un
acteur, à l’atmosphère d’une pièce, au
paysage. Elle s’est littéralement libérée,
petit à petit : plus on prenait de l’altitude,
plus s’opérait en elle une transformation.
Je lui ai montré aussi plusieurs films, comme Few
of us de Sharunas Bartas, Sunchaser de Michael
Cimino, Ghost Dog de Jim Jarmusch, Ossos de
Pedro Costa, Le pélican de Gérard Blain…
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Objectif
Cinéma : Le tournage
a t-il eu lieu dans la chronologie ?
Alain Raoust : Oui. C’est beaucoup
plus simple de tourner dans la chronologie, car alors, incontestablement,
des changements s’effectuent chez les comédiens. Pour
cette histoire et pour Caroline, c’était très
nécessaire. On a commencé par la séquence
du juge. L’ultime confrontation avec le personnage du père
a été difficile à organiser parce que
Roger Souza était déjà présent
sur le tournage : on était obligé de le
mettre un peu à part, et il n’a pas vu Caroline Ducey
avant le jour du tournage de la confrontation. J’avais répété
avec tous les acteurs sauf avec ces deux derniers. Ce fut
la séquence la plus facile à faire, il y a eu
deux prises pour Caroline et deux prises pour Roger, et le
champ contre champ était fait. Alors que des plans
de Caroline s’éloignant dans une ZAC ont curieusement
nécessité sept ou huit prises ! C’est toujours
là lorsqu’on croit que cela va être facile que
cela devient difficile, et inversement. Mais ce n’est pas
une théorie, il faudra confirmer la chose au fur
et à mesure.
Objectif Cinéma :
Il y a eu une vraie tension entre Roger Souza et Caroline
Ducey ?
Alain Raoust : Vraiment, oui.
Surtout dans la scène de la confrontation. Il s’est
passé quelque chose d’incroyable. Roger avait une haine
très forte de Caroline, qu’il a fallu calmer pendant
une petite heure. Et Caroline était effondrée
! C’est quelque chose qui appartient aux acteurs. Je me souviens
de Philippe Dormoy dans La vie sauve, qui incarne un
SDF agressif dans un bus : il donnait des coups d’épaule
aux techniciens ou à moi-même, alors qu’on ne
faisait que préparer, sans même répéter !
Il était entré totalement dans son personnage
d’emmerdeur. A la fin du tournage, il était redevenu
la personne sympathique qu’il est dans la vie.
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