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11'09''01 (c) D.R. SEPTEMBER 11th – 11’09"01
Sean Penn, Claude Lelouch,
Samira Makhmalbaf, Danis Tanovic,
Alejandro González Inárritu
et Alain Brigand
Propos recueillis en 2002
Par Clémentine GALLOT
de l’équipe de Cinélycée.com


Cinélycée : Alain Brigand, vous qui êtes à l’origine du projet du film 11’09"01 comment vous est venue cette idée ?

Alain Brigand : J’ai voulu me tourner vers les autres pays, savoir comment était perçue la résonance de cet événement, car ce jour là, la terre a véritablement tremblé. Il fallait répondre à ces images par d’autres images, avec une réflexion, dans le temps, chose que la télévision n’a pas fait puisqu’elle était dans l’urgence et dans l’immédiat. Je me suis adressé à des cinéastes, qui ont répondu favorablement après un certain temps de réflexion, car il est vrai que le sujet est grave. De plus, ils sentaient toute la valeur de leur engagement.


  Samira Makhmalbaf (c) D.R.

Cinélycée : Samira Makhmalbaf, comment des enfants d’un village très pauvre peuvent-ils ressentir la secousse d’un pays aussi lointain (et riche) que les Etats Unis ?

Samira Makhmalbaf : L’Iran est le voisin de l’Afghanistan, je connais donc bien ce pays, et lorsque mon père a fait Kandahar les gens lui ont dit que c’était surréaliste, mais non, justement, c’était la réalité d’un pays! Les gens n’y croyaient pas car ce n’est jamais montré à la télévision, sur CNN ou à la BBC. Je dois représenter tout un peuple, et je ne voulais pas faire un film partisan, mais universel, qui puisse toucher tout le monde. C’est pour cela que j’ai choisi ces enfants afghans dans mon film, car ils sont tout à fait innocents.

Je ne fais pas de politique, je crois que l’artiste doit être comme un père ou une mère pour les peuples, d’où qu’ils soient: on aime ce qu’on montre à l’écran et on essaye d’aider les peuples à se comprendre.

Dans mon film, on voit le professeur des enfants leur demander de faire une minute de silence pour les victimes du 11 Septembre. Les enfants refusent, car ils ne se sentent pas coupables, ils ne savent même pas où est New York, et quelles sont ces tours dont on parle. Pour eux cela reste complètement abstrait.


Cinélycée : Danis Tanovic, vous évoquez un 11 Juillet 1995, le massacre de Srébrenika: c’est un devoir de mémoire ?

Danis Tanovic : Je ne pense pas, en tout cas, qu’on doive parler de commémoration. Ce qui me touche, c’est la compassion, le sentiment de tristesse, surtout, l’entraide entre les peuples. Mon film parle des femmes de Srebrenika, qui, tous les 11 du mois, tournent autour de la place pour se remémorer, car depuis sept ans elles ne peuvent pas rentrer chez elles. De plus, on attend toujours de retrouver les corps de leurs maris: pour moi, la douleur des bosniaques est immense à Srebrenika. Et cela dure toujours, ce n’est pas réglé mais les gens l’oublient car la Bosnie a disparu. Ces femmes manifestent pour elles, mais aussi pour tous ceux qui ont perdu quelqu’un.

11'09""01 (c) D.R.

Cinélycée : C’est une image moins frappante que celle des deux tours.

Danis Tanovic
: Oui, car "l’autre monde" est celui des puissances économiques, et ce qui s’y passe semble toucher d’avantage de gens. Je suppose que peu de gens savent aujourd’hui que deux millions de personnes sont mortes au Congo, et que ça continue: pourquoi n’en parle t-on pas? Je ne dis pas que le 11 Septembre ne mérite pas l’intérêt que l’évènement a suscité, mais je crois qu’on devrait laisser du temps et de l’espace aux autres évènements.