Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Danis Tanovic (c) D.R.

Cinélycée : C’est une image moins frappante que celle des deux tours.

Danis Tanovic
: Oui, car "l’autre monde" est celui des puissances économiques, et ce qui s’y passe semble toucher d’avantage de gens. Je suppose que peu de gens savent aujourd’hui que deux millions de personnes sont mortes au Congo, et que ça continue: pourquoi n’en parle t-on pas? Je ne dis pas que le 11 Septembre ne mérite pas l’intérêt que l’évènement a suscité, mais je crois qu’on devrait laisser du temps et de l’espace aux autres évènements.


Cinélycée : Le travail du cinéaste c’est d’avoir de la distance par rapport à un événement ?

Danis Tanovic : Oui, que ce soit la presse ou les politiciens, on a l’impression que tout est noir ou blanc. Or, les artistes sont là pour montrer qu’il y a d’autres "couleurs", pour nuancer et apporter d’autres visions des choses. Ce qui est bien avec l’ensemble de ce film, 11’09’01, c’est qu’on a un regard du monde entier.


Cinélycée : Sean Penn, comment avez-vous réagi à la proposition de faire ce film ?

Sean Penn : J’ai suivi ma pensée et mon cœur. Je n’ai pas vraiment analysé la manière avec laquelle j’allais aborder cet évènement, j’ai essayé de "digérer" tout ce que les médias avaient véhiculé au cours des derniers mois. J’ai eu l’impression que la presse avait trop utilisé le 11 Septembre, et avait fini par oublier tout simplement la douleur, non seulement des morts, mais des familles des victimes. De plus, la douleur est universelle, mais dans certains pays cet événement n’a pas eu de réalité: pour une mère qui a perdu son enfant d’une maladie ce jour là, le 11 Septembre n’aura aucun rapport avec les Twin Towers. Il faut réévaluer tout cela.


  Sean Penn (c) D.R.

Cinélycée : Votre film est une sorte de tragédie intimiste dans une tragédie globale.

Sean Penn
: Je porte effectivement un regard intimiste, personnel, sur la tragédie, mais également politique. Les artistes sont souvent mieux à même de comprendre les événements politiques que les politiciens. Je ne crois pas qu’il faillie distinguer le point de vue personnel et le point de vue engagé, en ce sens, le reste de mon œuvre exprime bien, je crois, l’association des deux.


Cinélycée : Vous mettez en scène une vieil homme qui "passe" à côté du 11 Septembre. C’est ce qui vous est arrivé ?

Sean Penn : Le 11 Septembre, j’étais presque évanoui, je dormais à cause d’une beuverie à laquelle je m’étais rendu la veille au soir. On m’a appelé pour me dire ce qui se passait, mais j’ai raccroché et je suis retourné me coucher. A ce moment-là je n’étais donc pas du tout au courant!


Cinélycée : Il y a une scène où la lumière pénètre dans une chambre: cela signifie t-il que l’Amérique a pris conscience de quelque chose ?

Sean Penn : Je laisse au public le soin d’interpréter à sa manière.


Cinélycée : Ressentez-vous qu’un certain climat anti-américain règne en Europe actuellement ?

Sean Penn : Pour le moment, je n’ai pas reçu d’offense personnelle. Je crois que les Américains sont tout à fait au courant de cet anti-américanisme, et ce depuis un certain temps déjà. Ils se rendent compte aussi que ce n’est pas nécessairement un groupe de blancs Américains qui expriment l’Amérique dans sa totalité. Quand on parle de films qui sont anti-américains, pour moi c’est à l’opposé de ce qu’on pense. C’est à dire des films produits à Hollywood et qui véhiculent une image de l’Amérique qui peut susciter la colère, ce sont pour moi les vrais films anti-américains, dans le sens où ils ne servent pas sa cause, bien au contraire. C’est beaucoup plus flagrant, par exemple, que les films de 11’09’01 qui pourraient être taxés d’anti-américanisme, alors qu’ils ne font qu’exprimer une vision différente.