Cinélycée :
Vous êtes le seul américain
du nord parmi les réalisateurs de 11’09"01, représentez-vous
votre pays, ou est-ce juste votre regard personnel ?
Sean Penn : Si
je disais que je représente mon pays, cela signifierait
que cette tragédie ne fut une perte que pour l’Amérique,
or, elle n’est pas seule concernée. Quand j’ai discuté
avec les autres réalisateurs, je me suis rendu compte
que nous sentions tous la responsabilité de faire le
film dont nous rêvions et que chacun avait une opinion
très marquée sur le sujet, qu’il exprimait à
sa manière.
Cinélycée :
Claude Lelouch, pourquoi avoir choisi
de traiter cet événement à travers l’image
de l’amour ?
Claude Lelouch : C’est ma façon
de faire du cinéma depuis toujours: les histoires des
uns et des autres m’intéressent d’avantage que la "grande"
histoire. Je me suis inspiré d’une histoire qui s’est
passée sous l’occupation : un couple de nos voisins
se disputait sans cesse, un jour la Gestapo les a arrêté,
et ils se sont réconciliés dans le train qui
les emmenait aux camps de la mort. S’il n’y avait pas eu cette
vague d’antisémitisme ils ne se seraient jamais retrouvé.
J’aime bien positiver les choses. Pour cet exercice de style,
j’ai choisi l’histoire de cette femme, peut-être la
seule à New York qui n’est pas au courant de ce qui
se passe, sa télévision est allumée mais
comme elle est sourde elle n’entend pas. Ainsi elle continue
sa vie et ne s’intéresse qu’à ses petits problèmes.
J’ai voulu faire un parallèle entre l’apocalypse "réelle",
et une femme pour qui la fin d’une histoire d’amour c’est
aussi la fin du monde. Ce jour là, six milliards d’individus
ont repris à leurs compte ce drame et se sont dit qu’ils
n’étaient pas si malheureux que ça finalement.
Le malheur des autres est relatif à notre bonheur.
Cinélycée :
Alejandro Inarritu, pourquoi avoir
choisi de ne garder que le son et d’occulter les images, à
part une, celle des gens se jetant par les fenêtres
?
Alejandro Inarritu : J’ai décidé de ne
pas utiliser d’image, afin de créer un espace que chacun
pourrait remplir avec les souvenirs des images qu’il avait
de ce jour là, et des émotions. Je n’ai pas
essayé de faire un travail expérimental, c’était
plutôt par souci de vérité et d’humilité
que j’ai fait cela. En faisant mes recherches, j’ai trouvé
des "voix", des témoignages de gens qui étaient
dans les avions ou dans les tours: ces enregistrements, dans
ces moments-là, montrent en quelque sorte le côté
divin de l’être humain, sa capacité à
donner de l’amour. Je trouve que les images sont parfois trop
terre à terre, c’est pourquoi avec le noir il y a des
voix et des sons. Il y a finalement une note d’espoir lorsque
l’écran devient lumineux, c’est ma foi en l’humanité.
Titre : 11’09’’01 – Onze Minsutes, Neuf
Secondes et une image Réalisateurs :
Samira Makhmalbaf, Claude Lelouch, Youssef Chahine,
Danis Tanovic, Idrissa Ouedraogo, Ken Loach , Alejandro
Gonzales Innaritu, Amos Gitaï, Mira Nair, Sean
Penn, Shohei Imamura Distribution internationale
: Wild Bunch Production : StudioCanal,
Galatée Films Producteur délégué
: Jacques Perrin Sortie France : 11 Septembre
2002 Durée : 2h 10 Année : 2002 Pays : France