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Abbas Kiarostami (c) D.R. ABBAS KIAROSTAMI
Réalisateur
Interview réalisée
le 16 Septembre 2002
Par Clémentine GALLOT
et Philippe HUNEMAN
de l’équipe de Cinélycée.com


Le réalisateur Iranien Abbas Kiarostami, Palme d'or en 1997 pour Le Goût de la cerise (Ta'm e guilass), nous présente Ten, son dernier film, qui fut entièrement tourné dans une voiture, grâce à une caméra numérique placé sur son tableau de bord.


Cinélycée : Quelle est la part d’improvisation dans Ten ?

Abbas Kiarostami : Il y en a beaucoup. Les sujets de conversation étaient contrôlés mais l’expression était libre.


  Ten (c) D.R.

Cinélycée : Comment s’est passé le travail avec les comédiens ?

Abbas Kiarostami : Comme d’habitude, j’ai travaillé avec des acteurs non professionnels. Le travail que je fais avec eux peut durer des mois. Nous commençons par discuter des sujets qui seront abordés dans le film, peu à peu, ils s’approprient cette réflexion, comme quand quelqu’un vous raconte une blague et que vous la reprenez à votre tour. Je leur donne le sujet, puis c’est à eux d’exprimer ces idées avec leurs propres mots. A long terme, ce travail devient une compréhension mutuelle, une communion.


Cinélycée : Pourquoi avoir choisi de situer l’action dans une voiture? Est-ce parce que c’est un lieu plus propice aux confidences ?

Abbas Kiarostami : C’est effectivement un lieu propice à ce genre de conversations, mais ce n’est pas le seul! L’autre raison de ce choix est l’usage de la caméra fixe: une distance constante par rapport à l’acteur, sans changer de focale :dans une voiture ce choix devient légitime. Alors que, si on est dans une chambre on peut être tenté de multiplier les plans. Il y a peu de temps j’ai fait un voyage de sept heures en voiture avec un ami: durant le trajet nous avons discuté et nous sommes toujours regardé d’un seul angle de vue, d’une seule distance, et personne ne s’en est fatigué. On n’a pas éprouvé le besoin de mettre la caméra sur le capot. En voiture, on ne peut pas se permettre de varier les points de vue. Autre raison: dans une automobile, quand on se tait, on peut regarder le paysage, ce qui est impossible dans une chambre où le silence est toujours pesant. Le silence est plus acceptable dans une voiture: il ne signifie pas qu’on est brouillés.


Ten (c) D.R.

Cinélycée : Ten peut faire penser au Goût de la cerise: est-ce ce film qui vous a donné envie de continuer en vidéo ?

Abbas Kiarostami : Quand j’ai commencé à travailler sur Ten je n’ai pas pensé au Goût de la cerise. Ce n’est que plus tard, en revoyant ces images brouillées, que j’ai senti qu’elles me plaisaient. La comparaison entre les deux films vient du fait que les acteurs, devant la caméra 35 mm, étaient figés, conventionnels, alors que dans la partie en vidéo j’ai vu qu’ils étaient plus naturels. La vie circulait devant ma caméra numérique.


Cinélycée : Vos précédents films mettaient en scène des hommes et des enfants, comment en êtes-vous venu à filmer des femmes ?

Abbas Kiarostami : Effectivement, je suis arrivé un peu tard aux femmes, mais j’y suis arrivé! En fait, j’ai toujours vécu avec ces histoires de femmes, mais quelques chose en moi résistait à aller plus loin. Finalement, la brèche s’est ouverte, mais il n’y a aucune raison précise à cela.