Suite à des études de philosophie
et les cours du Centre dramatique de la rue Blanche et du
Conservatoire national d'art dramatique, Nicole Garcia emprunte
la carrière de comédienne. Au théâtre
tout d'abord, mais aussi au cinéma ou elle y a jouer
de nombreux rôles pour des réalisateurs tel que
Bertrand Tavernier (Que la Fête commence), Henri Verneuil
(Le Corps de mon ennemi), Alain Resnais (Mon Oncle d'Amérique),
Claude Lelouch (Les Uns et les Autres), Pierre Schoendoerffer
(L'Honneur d'un capitaine), Claude Sautet (Garçon)
et Michel Deville (Péril en la demeure).
En 1985 elle réalise le court métrage
Quinze août avec comme comédiennes Ann
Gisel Glass et Nathalie Rich. Puis elle réalise plusieurs
long métrages : Un week-end sur deux (1990),
Le Fils préféré (1994) et Place
Vendôme (1998). L'adversaire, basé
sur l'affaire Romand, est sont quatrième long métrage.
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Cinélycée :
Comment se passe le travail du cinéaste
à partir d'un fait divers ?
Nicole Garcia : Je pense
que le cinéma travaille sur une trame: elle est donnée
ici par ce fait divers. J'en ai pris connaissance au moment
des faits; il a été largement rapporté
par les médias. C'est quand j'ai lu le livre de Carrère
(L'adversaire) que j'ai découvert un personnage
dont l'émotion existentielle m'a bouleversée.
Il y avait, pour moi, la possibilité de filmer une
tragédie. Il y avait ce caractère inexorable,
car tout est déjà joué avant que le film
ne commence. Ce personnage est tragique, absolu. La tragédie
antique trouve sa transcription dans notre époque par
le roman noir ou le fait divers. C'est un homme qui tombe
et se voit tomber. Ce destin, cette aventure m'ont intéressée,
beaucoup plus que l'aspect du mensonge. Je l'ai senti proche
de nous, de la condition humaine, par sa propension à
se faire des nœuds : il tombe dans le piège qu'il s'est
préparé. La part sombre, qu'il y a en chacun
de nous, le dévore jusqu'à une impasse : choisir
entre son mensonge et la vie de ceux qu'il aime.
Cinélycée :
Le meurtre final, pour vous, ça
fait partie de la tragédie ? Est-ce que ça ne
pouvait pas être en dehors du film ?
Nicole Garcia :
Non, car Romand va au bout de sa course : c'est l'accomplissement
et l'anéantissement en même temps. S'il partait,
cela signifierait que le petit théâtre pour lequel
il avait joué cette comédie allait être
éclairé sur ce mensonge. Le dévoilement
lui était plus insupportable qu'autre chose : on peut
parler d'un narcissisme criminel. S'il y a en lui une folie,
elle est fusionnelle, car les autres c'est lui, et les tuer
c'est se tuer (il se comprend dans la destruction). A la fin
du film, on entend "il est vivant" : c'est la plus grande
tragédie, car il est vivant dans un monde qu'il a incendié.
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Cinélycée :
Comment arrive- t-on a réaliser
un film sur un personnage encore vivant, lorsque la fiction
s'éloigne très peu du fait divers ? D'autant
plus que dans le livre, Carrère entretient une correspondance
avec Romand.
Nicole Garcia :
Ce genre de film est une sorte de parcours balisé,
on se doit d'être fidèle aux faits : le livre
d’Emmanuel Carrère rapportait des faits policiers et
judiciaires, alors que nous avions la charge d'inventer tout
le reste, par exemple la relation qu'il avait avec ses enfants,
ses amis, sa maîtresse. Il y a donc une part de fiction.
Je ne suis pas allé voir Romand, sinon ça aurait
été un documentaire ! J'ai volontairement abandonné
le personnage du fait divers.
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