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Nicole Garcia (c) D.R. NICOLE GARCIA
Réalisatrice
Rencontre au MK2 Quai de Seine,
le 9 juillet 2002, retranscrite
Par Clémentine GALLOT
de l’équipe de Cinélycée.com


Suite à des études de philosophie et les cours du Centre dramatique de la rue Blanche et du Conservatoire national d'art dramatique, Nicole Garcia emprunte la carrière de comédienne. Au théâtre tout d'abord, mais aussi au cinéma ou elle y a jouer de nombreux rôles pour des réalisateurs tel que Bertrand Tavernier (Que la Fête commence), Henri Verneuil (Le Corps de mon ennemi), Alain Resnais (Mon Oncle d'Amérique), Claude Lelouch (Les Uns et les Autres), Pierre Schoendoerffer (L'Honneur d'un capitaine), Claude Sautet (Garçon) et Michel Deville (Péril en la demeure).

En 1985 elle réalise le court métrage Quinze août avec comme comédiennes Ann Gisel Glass et Nathalie Rich. Puis elle réalise plusieurs long métrages : Un week-end sur deux (1990), Le Fils préféré (1994) et Place Vendôme (1998). L'adversaire, basé sur l'affaire Romand, est sont quatrième long métrage.



  L'Adversaire (c) D.R.

Cinélycée : Comment se passe le travail du cinéaste à partir d'un fait divers ?

Nicole Garcia : Je pense que le cinéma travaille sur une trame: elle est donnée ici par ce fait divers. J'en ai pris connaissance au moment des faits; il a été largement rapporté par les médias. C'est quand j'ai lu le livre de Carrère (L'adversaire) que j'ai découvert un personnage dont l'émotion existentielle m'a bouleversée. Il y avait, pour moi, la possibilité de filmer une tragédie. Il y avait ce caractère inexorable, car tout est déjà joué avant que le film ne commence. Ce personnage est tragique, absolu. La tragédie antique trouve sa transcription dans notre époque par le roman noir ou le fait divers. C'est un homme qui tombe et se voit tomber. Ce destin, cette aventure m'ont intéressée, beaucoup plus que l'aspect du mensonge. Je l'ai senti proche de nous, de la condition humaine, par sa propension à se faire des nœuds : il tombe dans le piège qu'il s'est préparé. La part sombre, qu'il y a en chacun de nous, le dévore jusqu'à une impasse : choisir entre son mensonge et la vie de ceux qu'il aime.


Cinélycée : Le meurtre final, pour vous, ça fait partie de la tragédie ? Est-ce que ça ne pouvait pas être en dehors du film ?

Nicole Garcia : Non, car Romand va au bout de sa course : c'est l'accomplissement et l'anéantissement en même temps. S'il partait, cela signifierait que le petit théâtre pour lequel il avait joué cette comédie allait être éclairé sur ce mensonge. Le dévoilement lui était plus insupportable qu'autre chose : on peut parler d'un narcissisme criminel. S'il y a en lui une folie, elle est fusionnelle, car les autres c'est lui, et les tuer c'est se tuer (il se comprend dans la destruction). A la fin du film, on entend "il est vivant" : c'est la plus grande tragédie, car il est vivant dans un monde qu'il a incendié.


L'Adversaire (c) D.R.

Cinélycée : Comment arrive- t-on a réaliser un film sur un personnage encore vivant, lorsque la fiction s'éloigne très peu du fait divers ? D'autant plus que dans le livre, Carrère entretient une correspondance avec Romand.

Nicole Garcia : Ce genre de film est une sorte de parcours balisé, on se doit d'être fidèle aux faits : le livre d’Emmanuel Carrère rapportait des faits policiers et judiciaires, alors que nous avions la charge d'inventer tout le reste, par exemple la relation qu'il avait avec ses enfants, ses amis, sa maîtresse. Il y a donc une part de fiction. Je ne suis pas allé voir Romand, sinon ça aurait été un documentaire ! J'ai volontairement abandonné le personnage du fait divers.