Entretien
réalisé
à Paris le 12 novembre 2002
Par Christian FAUVET-MESSAT
Delphine Gleize, réalisatrice
de 29 ans, s’est déjà octroyée une place
de choix au sein du jeune cinéma français. Diplômée
de la FEMIS, elle a réalisé plusieurs courts-métrages
prometteurs : Sals Battars (1998), césar
du meilleur court métrage en 2000, Un Château
en Espagne (1999), récompensé à la
Quinzaine des Réalisateurs, et Les Méduses
(2000), présenté à la Semaine de
la Critique. Elle a également réalisé
cinq courts dans le cadre de l’opération " Jeunes
Talents ", organisée pour l’ADAMI. Ses films
témoignaient alors d’une maîtrise certaine de
la mise en scène et du scénario. Elle confirme
en 2002 avec Carnages, son premier long, " film
prisme ", galerie impressionnante de personnages
et de destins, réunis par la figure emblématique
d’un taureau. Le film est sorti le 13 novembre 2002 sur 50
copies en France.
Entre deux coups de fil, souriante et décontractée
avant la première du film au CinéCité
de Bercy qui aura lieu dans la soirée, Delphine Gleize
nous reçoit dans son appartement parisien.
A la suite de la sélection cannoise dans la section
" Un Certain Regard ", des nombreuses
avant-premières dans divers festivals et plusieurs
villes de France et d’Europe, Carnages va rencontrer
son public, se jeter dans l’arène et commencer sa carrière
dans quelques heures. Souhaitons-lui la meilleure possible.
" J’AIME BIEN ME DIRE QUE
JE PEUX FABRIQUER, A L’INTERIEUR
D’UN SEUL PLAN, UNE MEMOIRE. "
Objectif Cinéma :
Quelles ont été les conditions de naissance de
ce premier long métrage ?
Delphine Gleize :
J’ai commencé à écrire le film, il y a
5 ans, mais je ne me rappelle plus vraiment ce qu’était
l’idée de départ. Je suis passionnée par
les taureaux de combat. Je voulais simplement raconter l’histoire
d’un taureau, lui inventer un destin. Me dire que son trajet,
entre le moment où il était dans l’arène
et le moment où il allait se retrouver dans une assiette
ou sous un microscope pour être analysé, n’était
pas symbolique et devait apporter quelque chose aux gens. Il
était impossible que ce taureau soit abandonné.
Au contraire, des gens allaient obligatoirement croiser sa route
et s’en trouver grandis. Il est toujours difficile de dire comment
est né un scénario. Cette idée ne m’est
pas venue d’un fait divers. Je faisais des courts métrage
en même temps, qui ont nourri le long métrage.
C’était très lent, je pense qu’il est nécessaire
de laisser mûrir des histoires comme celle-là,
de ne pas les accélérer ou de choisir de les rendre
efficaces à tout prix. C’est un scénario sur la
lenteur, en fait. Mais pas du tout emmerdant !
Objectif Cinéma :
Beaucoup de personnages et de situations se croisent. Comment
résumerais-tu le film ?
Delphine Gleize :
Je ne me pose jamais la question. C’est un film à vivre,
pas à raconter. On se dit la même chose quand
on sort d’une corrida. On ne peut pas raconter. On connaît
seulement le début, et la fin : le taureau est
mort. Et entre temps, on est passé par tellement d’événements
que cela ressemble un peu aux montagnes russes. C’est un film
très simple, sur des personnages apparemment à
la recherche d’une clairvoyance, qui découvrent par
le biais d’une petite fille et d’un taureau de 455 kilos leur
vérité, qui fait d’abord exploser leur quotidien
et en même temps trouver leur équilibre. ça
paraît très abstrait. Mais ce n’est que de la
fiction tout le temps, ce n’est absolument pas un film intellectuel.
Il faut le découvrir.