Objectif Cinéma
: Depuis plusieurs mois de
nombreux films rencontrent des problèmes de financement,
notamment à cause de la situation actuelle à
Canal +. Le documentaire Enquête sur le monde invisible
a t-il failli ne pas voir le jour ?
Frédérique
Dumas : La postproduction
a commencé en septembre 2000 et en mars 2001 on avait
un peu de mal à imaginer que le film pouvait se terminer
car on commençait déjà à avoir
un peu de soucis et le financement n’était même
pas bouclé ! Le budget était aux alentours
d’un million d’euros, il a fallu trouver des solutions pour
le finir et c’est la postproduction qui en a pâti,
car durant quasiment un an nous avons été
en stand by.
Notre organisme de crédit nous a permis de finir
le film : c’était l’intérêt de
tout le monde. On voudrait qu’Enquête fonctionne,
notamment à cause de l’aspect humaniste du projet.
Je suis allée à New York trois semaines après
le 11 septembre pour voir si le film pouvait intéresser
les Américains et beaucoup sortaient de la projection
en disant : "C’est sûr qu’après le
11 septembre, c’est vraiment ce qu’on a envie de voir".
Il y a une dimension spirituelle dans le film, surtout à
la fin où on dit "Surtout n’ayiez pas peur".
Il y a une autre raison pour laquelle on voudrait que le
film marche en salles : pour une boîte de production,
avoir quelque chose qui fonctionne permet toujours d’avancer.
Objectif Cinéma
: Noé Productions
a déposé le bilan en avril dernier et cherche
des moyens pour survivre, et pourtant vous vous apprêtez
à sortir un nouveau film. Est-ce que la sortie d’Enquête
sur le monde invisible est votre dernière chance
?
Frédérique
Dumas : Le destin de Noé
Productions n’est pas lié à cette sortie.
Nous n’avons même pas le luxe d’attendre de savoir
si Enquête marchera ou pas. Ceci dit, on envisage
des solutions pour Noé Productions, mais on ne peut
pas en parler pour l’instant. Si vous voulez, Enquête
sera un peu la cerise sur le gâteau.
Objectif Cinéma
: Vous allez certainement
créer la surprise en revenant, après un Oscar,
avec ce projet très particulier. Vous en voulez quand
même… Frédérique
Dumas : On peut dire qu’on
est un peu fous … On s’aperçoit en fait que dans
ce métier, le fait de savoir s’accrocher compte pour
50% de la motivation des gens qui veulent travailler avec
toi. Les accords se font sur les gens, c’est très
motivant que les gens misent sur toi, sur la confiance que
tu leur inspires.
Objectif Cinéma
: La question de la confiance
est centrale. Avoir confiance en soi-même et inspirer
confiance aux partenaires… Frédérique
Dumas : Rodin, je crois, avait
dit que ce qui est profondément vrai pour un homme
l’est obligatoirement pour tous. Le problème, c’est
de ne pas se tromper sur ce qui est profondément
vrai pour soi. Sur un plan professionnel comme sur un plan
humain, la seule chose intéressante dans la vie est
de se connaître profondément soi-même.
Objectif Cinéma
: Qu’est-ce qui fait un bon
producteur ?
Frédérique
Dumas : C’est difficile à
dire parce qu’il y a plusieurs profils de producteurs. Mais
quelque soit le producteur, il faut énormément
d’énergie et de persévérance. On ne
peut pas faire ce métier si on ne s’accroche pas
et si on n’a pas de ressources psychologiques.
Je crois qu’il faut faire ce métier quand on à
un projet et qu’on y croit à 300%. Ca ne veut pas
dire obligatoirement qu’on a raison, mais il faut faire
les choses auxquelles on croit profondément. Mais
il y a aussi plein d’exemples de gens qui se sont entêtés
et qui se sont plantés. C’est pour ça que
je parle de persévérance et non d’entêtement.