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  Don Juan (c) D.R.
Mais un autre problème de taille notamment, subsiste toujours, selon Coulais : " Le problème c’est que les réalisateurs en école de cinéma sont sourds à la musique et les compositeurs en école de musique ne sont pas assez cinéphiles. Il faudrait vraiment un travail en commun entre ces deux éléments. On a l’impression en France que le cinéma a la tête encore un peu tournée vers le 19ème siècle, c’est très littéraire. On veut des bandes-sons très propres, très lisses. Pourquoi quand deux personnes discutent dans un film, la musique ne submergerait-elle pas les dialogues ? Et c’est ce qu’a très bien fait Godard. Que la musique dise autre chose sur la scène que ce que disait le personnage… "

Bruno Stisi, enseignant en audiovisuel, acquiesce : " Les jeunes gens qui sont en section audiovisuelle ne sont pas formés à la sensibilité musicale. Mon travail est de les faire verbaliser la musique des autres et le rapport entre le déroulement musical et filmique. J’essaie de donner du sens à cette inter-pénétration. Je ne cherche pas à dire " voilà ce que le réalisateur et le compositeur ont voulu dire " mais je me place en tant que spectateur, récepteur. J’essaie de trouver des rapports, un travail de lecteur et de créateur. "

Les Rivières pourpres (c) D.R.

Mais n’assiste-t-on pas, progressivement, à un début d’amélioration en ce domaine ? Comme le fait remarquer Gérard Dastugue, il y a un vrai renouveau de la musique de film et une part grandissante de manifestations liées à la musique de cinéma. Les choses commencent à bouger. " On commence à parler de la musique de film, affirme Gérard Dastugue. On commence à faire l’historique des divers éléments du cinéma. Et les nouvelles générations de compositeurs deviennent compositeurs pour l’image " tant que leur apprentissage de la musique reste entremêlé à celui de la mise en scène, comme l’a rappelé Coulais. Car pour ce dernier, le travail en commun avec le cinéaste est fondamental. " C’est quand même le travail avec le réalisateur que vaut le coup la musique de film " confesse-t-il.

Bruno Coulais raconte alors quelques-unes de ses expériences avec des réalisateurs et réalisatrices, dont Christine Pascal et Agnès Merlet. " J’ai besoin de voir les premières images, le scénario ne me suffit pas. Sur Le fils du requin [d’Agnès Merlet], je suis arrivé dans les 15 derniers jours, j’ai aimé réagir à chaud sur ce film. Si vous me donnez 8 mois pour écrire une musique de film, je suis paresseux, je vais être oisif pendant 4 mois, je vais m’angoisser le dernier mois. J’aime bien voir un film et que le film dégage des impressions. Alors je sors et tout ce que j’entends dans la rue, etc. me donne des idées. " Mais qu’en est-il vraiment du rapport même à l’image ?

  Himalaya (c) D.R.
" Je suis très sensible aux lumières, raconte Coulais. Il y a des lumières dans les films pour lesquelles j’ai dû mal à écrire de la musique. Comme des néons ou… Les scènes de café, je suis très mauvais pour y mettre de la musique ! " Le compositeur explique comment la musique doit être en osmose ou en contre-pied avec l’esthétique visuelle d’un film. " C’est ce que j’aimais chez Bernard Herrmann ; faire une scène de poursuite avec un autre type de musique attendue, ou une scène d’amour avec une musique très tendue. Les voix d’enfants au cinéma, je les utilise pour la tension. Pour moi, le monde de l’enfance, ce n’est pas un monde gentillet, tendre, mais un monde qui a sa part de cruauté. Je pense aux voix d’enfants dans La nuit du chasseur ou la scène de l’école dans Les oiseaux et la cantine chantée par les enfants. " On pense aussi à la berceuse dès le générique des Rivières pourpres. Pas de doute, la musique raconte autre chose, " montre ce qui n’est pas filmé. "

La table ronde se poursuit avec la participation d’un public vraiment enthousiaste. Une personne demande à Bruno Coulais : " La musique de film ne devrait-elle pas tendre à devenir de plus en plus du bruitage ? " Pour le compositeur, " Cela devrait l’être, mais cela est dangereux. Il ne faut pas basculer vers l’effet qui prend le pas sur la mise en scène. Mais j’aime quand on ne peut plus faire la distinction entre sons et musiques. " Coulais évoque notamment la surcharge hollywoodienne en terme d’effets sonores. Mais comme le souligne justement Denis Dercourt : " Il y a parfois aussi de très beaux travaux sonores. Les monteurs sons déposent d’ailleurs parfois leur travail à la SACEM. Cela peut se rapprocher du travail de Schaffer quelquefois. "