Entretien
exclusif réalisé à Paris
Par Bernard PAYEN, Frédéric HUETTE
et Denis RITTER le 14 novembre 2002
Traduction de D. RITTER
Photos de F. HUETTE
Remerciements à Anne BARJOT
On imaginait paresseusement Tim Roth
à l’image de ses rôles, austère, froid,
distant, presque violent. Il n’en est absolument rien. C’est
un homme chaleureux, enthousiaste, blagueur et très disponible
qui déboula à ces huitièmes Rencontres
Internationales du Cinéma du forum des Images. A 42 ans,
Tim Roth a participé à près d’une trentaine
de films. Depuis l’époque de ses débuts en Angleterre,
où il tourna avec les plus grands cinéastes de
la veine sociale (Leigh, Clarke, Frears – pour un polar tendu,
The Hit) aux films de Tarantino (Reservoir Dogs
- Mr Orange -, Pulp Fiction), de James Gray (l’exceptionnel
Little Odessa) et de Tim Burton (La planète
des singes, et son incarnation masquée du Général
Thade), Tim Roth n’a cessé de jouer les Fregoli, s’amusant
sans cesse à changer de tête. Il a aussi réalisé
un film âpre et remarquable en 1999, The War Zone.
Objectif
Cinéma : Savez-vous
ce que cette photo représente (nous présentons
à Tim une photo de Ran de Kurosawa, d’après
Le Roi Lear) ?
Tim Roth : (après
un temps de réflexion) : Oh oui, c’est Le
Roi Lear ! On dirait le Père Noël sur
cette photo !
Objectif Cinéma : Nous
avons choisi de vous montrer cette image parce que nous savons
que vous souhaitez réaliser une adaptation de cette
pièce de Shakespeare.
Tim Roth : Oui, tout à
fait. Une compagnie canadienne m’a contacté pendant
que je travaillais sur The War Zone, en me proposant
de mettre en scène Le Roi Lear. J’ai d’abord
trouvé l’idée assez étrange, mais je
me suis quand même rendu à Toronto, parce que
le thème principal de la pièce, la famille,
est un sujet qui m’intéresse beaucoup. Malheureusement
le versant production du projet n’a pas tenu le coup et tout
est tombé à l’eau. J’ai ensuite demandé
à Harold Pinter d’écrire un script, ce qu’il
a fait, mais c’est très difficile de trouver des financements
pour une adaptation d’une œuvre de Shakespeare. Ce projet
est donc toujours à l’état embryonnaire. Récemment,
je me suis presque résigné à le mettre
au placard, à le laisser se couvrir de poussière
en attendant le bon moment, mais en fait je me rends compte
que beaucoup de gens continuent à me parler du Roi
Lear et à s’y intéresser. J’y crois donc
toujours, mais j’aimerais le faire tant que je suis encore
jeune ! (rires). Cela représente vraiment
beaucoup de travail.
Objectif
Cinéma : Sur le plan
de la dramaturgie familiale, il existe un lien entre Le
Roi Lear et des films comme The War Zone ou Little
Odessa.
Tim Roth : Oui, il s’agit de
familles qui n’arrivent pas à fonctionner normalement,
mais en gros cela s’arrête là. Je voudrais faire
un certain type de film sur l’enfance, et dans cette optique
Le Roi Lear est clairement à part. C’est une
grande tragédie, dans son écriture et dans sa
structure, et qui dit beaucoup de choses sur mon pays, sur
sa politique d’invasion et d’oppression.
Objectif Cinéma : Votre
perception du Roi Lear est donc avant tout politique.
Tim Roth : Oui, mais au bout
du compte, on en revient toujours à la question familiale.