Objectif Cinéma
: Vous avez déclaré
à propos de Made in Britain que c’était
le film qui vous avait fait perdre votre virginité.
Qu’avez-vous voulu dire par là ?
Tim Roth
: Que c’était la première fois que je m’étais
retrouvé face à une caméra, tout simplement.
C’était tellement excitant pour moi de travailler avec
Alan Clarke qui a ce côté un peu fou, un peu
sauvage, mais qui est un grand réalisateur. Vous savez,
on pourrait comparer cette expérience avec la drogue :
quand on prend de l’héroïne, on veut toujours
que l’effet soit aussi puissant que la première fois.
Je n’ai jamais retrouvé les sensations que j’ai éprouvées
quand j’ai travaillé avec Alan, sauf lors de mon passage
derrière la caméra pour The War Zone.
Made in Britain m’a donc fait perdre ma virginité,
d’une certaine façon. A l’époque, j’avais vingt
et un ans, j’étais immortel, rien ne pouvait m’arrêter.
C’était une époque incroyable, et ce sont des
gens comme Alan qui ont fait mon éducation.
Objectif Cinéma
:
Quel effet cela vous a-t-il fait de jouer le rôle d’un
skinhead ?
Tim Roth
: J’ai adoré interpréter ce personnage. Je connaissais
beaucoup de skinheads à l’époque et je les détestais,
car j’étais le genre de gosse qu’ils tabassaient régulièrement
à l’école. Le film m’a permis de prendre ma
revanche, de donner les coups, de prendre conscience du pouvoir
de la violence.
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Objectif Cinéma
: Avez-vous caricaturé
les skinheads que vous connaissiez ?
Tim Roth
: Je me suis basé sur une personne, qui de skin est
devenu par la suite punk avant d’atterrir en prison. C’était
quelqu’un de très dangereux, beaucoup plus dangereux
que mon personnage dans le film. J’ai grandi dans un quartier
populaire de Londres, et les skins faisaient partie de mon
univers quotidien. Cela n’a donc pas été trop
difficile pour moi de jouer ce rôle, et j’étais
déjà très heureux de pouvoir jouer dans
un film, même si c’était un téléfilm.
Objectif Cinéma
: Pensez-vous qu’il existe
une tradition britannique du film social ?
Tim Roth
: Des réalisateurs comme Ken Loach, Stephen Frears,
Alan Clarke ou Mike Leigh se sont tous fait connaître
à peu près au même moment en travaillant
pour la BBC, qui a fait tout ce qu’elle a pu pour garder ces
jeunes talents et leur donner du temps d’antenne. Ils étaient
les petits génies du cinéma britannique, mais
en même temps on ne peut pas tous les mettre dans le
même sac. Ken Loach est LE réalisateur politique
et polémique, et n’a jamais cessé de l’être,
Alan s’est dirigé vers la comédie et d’autres
aspects de la vie sociale, Mike et Stephen aussi ont évolué,
mais ils font malgré tout constamment référence
au système de classes. J’aime à penser qu’ils
se fréquentent, qu’ils boivent une bière ensemble
de temps en temps, mais je ne crois pas que ce soit le cas.
En tout cas, je suis arrivé au moment où leur
collaboration avec la BBC touchait à sa fin, où
les choses commençaient à changer en Angleterre.
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Objectif Cinéma
: Comment passe-t-on de Mike
Leigh ou Alan Clarke à Tarantino ?
Tim Roth
: Avant Vincent and Theo, je jouais dans un très
mauvais film en Australie, et mon agent m’a appelé
pour me dire qu’il y avait peut-être un rôle pour
moi dans un film qui était sur le point de se tourner
à New York. J’ai pris le premier avion pour Big Apple,
joué dans ce film, puis je suis allé à
Los Angeles et je me suis donné trois mois pour me
faire une place au soleil. Le scénario de Reservoir
Dogs est arrivé entre mes mains et il m’a plu immédiatement.
J’ai contacté Quentin, le courant est passé
entre nous et il m’a donné le rôle. Cela a tout
changé, mais pour moi à cette époque-là,
il n’y avait pas une énorme différence entre
des cinéastes américains indépendants
comme Quentin et les réalisateurs britanniques avec
qui j’avais travaillé auparavant. Ils étaient
jeunes, plein d’énergie, ils avaient ce côté
" on peut le faire, les gars ! ".
Sexe, Mensonges et Vidéo est sorti un an avant
mon arrivée aux Etats-Unis et ce film, avec Reservoir
Dogs, a modifié la façon de considérer
le cinéma indépendant. A partir de là,
tout a explosé.
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