Objectif Cinéma
: Avez-vous coupé beaucoup
de scènes au montage ?
Lucas Belvaux :
Au montage, on est un peu plus libre, mais j'ai coupé
très peu de scènes. On a très peu bougé
les structures, mais c'était normal avec un tel projet,
car modifier une structure dans un film signifie modifier
celle des autres, et modifier une structure qui ne va pas
très bien pour en détruire deux qui fonctionnent
très bien, on peut dire que c'est délicat !
Je me suis rendu compte qu'on est resté très
fidèle au scénario. Vous pourrez le constater
dans l'édition des scénarios.
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Objectif Cinéma
: Il s'agit des scénarios
avant tournage et montage ?
Lucas Belvaux
: Oui, j'ai fait ce choix. Des notes expliquent simplement
ce qui a changé et pourquoi. Si une séquence
est montée avant une autre par exemple. Il y aura
aussi des explications de ce genre sur le DVD. Il y a très
peu de changements majeurs, mais quand il y en a, ils sont
importants.
Objectif Cinéma
: Le DVD permettra d'ailleurs
une autre exploration du film
Lucas Belvaux
: Oui, on pourra aussi vérifier les raccords, etc.
La trilogie est propice aux manies des vérifications.
On voit une séquence, on sait qu'on l'a déjà
vue, on se demande si on l'a vraiment vu ou si on a été
manipulé. On a donc envie d'aller voir si la séquence
telle qu'on l'a vue la première fois était
faite de telle façon à nous mettre sur une
fausse piste ou pas, ou si c'était la même
chose, montrée juste différemment.
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Objectif Cinéma
: Certaines scènes
ont leur contre-champ dans un autre film
Lucas Belvaux
: Absolument. J'adorerais remonter le film dans son déroulement
chronologique et faire une sorte de feuilleton qui ferait
environ cinq heures. Il serait plus court que la totalité
des trois films puisqu'on ne verrait plus le double des
scènes. Je me suis amusé à le faire
sur le papier et je m'aperçois que c'est encore très
différent, ça n'a plus rien à voir
avec les trois films pris individuellement.
Objectif Cinéma
: Vous travaillez constamment
le hors champ
Lucas Belvaux :
Oui, je me suis rendu compte en écrivant que mon
plaisir ne venait pas forcément des scènes
vues deux fois sous un angle différent, mais des
ellipses et des contre champs. Finalement, c'est le hors
champ qui est amusant. On a envie de pousser la porte pour
voir ce qu'il y a derrière. C'est le cas aussi des
personnages qui restent secondaires dans les trois films
: on a envie d'en savoir plus sur Georges, son histoire
avec l'infirmière, pourquoi il est comme ça,
ce qu'il a vécu avant, son rapport avec les femmes.
C'est un personnage qui m'intrigue beaucoup
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Objectif Cinéma
: Il y a beaucoup d'exemples
de hors champ sonores.
Lucas Belvaux
: L'angoisse est l'un des thèmes principaux de la
trilogie. Les films sont tous traversés par l'inquiétude.
Et au cinéma, le son permet d'installer une peur,
et de faire sursauter. Là, le traitement du son -
particulièrement dans les deux derniers films - est
très particulier. Il y a très peu de fonds
sonores et d'ambiances, et cela provoque à mon sens
une grande tension, plus que si on entendait des voitures
passer, ou si on entendait la rumeur de la ville en permanence.
Cette sensation d'être en apnée, hors du monde,
est très présente dans Après la
vie.
Objectif Cinéma
: J'ai presque l'impression
que les films ont trouvé leur identité au
montage image et son.
Lucas Belvaux
: Oui et non. Les films se sont révélés
à chaque étape. Au moment du tournage, quand
on voyait les rushes, les trois films étaient mélangés
et on voyait alors l'équivalent d'un gros film mélangeant
les genres. Et puis au moment du montage, les rushes étaient
séparés, et chacun d'entre eux était
attribué à son film. On ne voit plus que des
images de la comédie, que des images du thriller,
que des images du mélo. Et à ce moment-là,
les films reprenaient leur identité. Mais génétiquement,
ils étaient déjà différents
à la base, dès le scénario. Au montage,
j'ai tenu à les différencier encore plus avec
des équipes montage image et son différentes
pour bien leur donner une identité différente.